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«Je suis encore sur un petit nuage»

Le chef de Memories, au Grand Resort Bad Ragaz, vient de décrocher sa troisième étoile au Guide Michelin.

  • Sven Wassmer est père de deux enfants, nés en 2018 et mars 2022.(Photos DR)
  • Lorsqu’il crée un nouveau plat, Sven Wassmer puise son inspiration dans la nature et privilégie les assiettes claires et des goûts purs, propres, sans confusion.

Sven Wassmer, on a vu votre immense émotion, touchante, à l’heure de recevoir la plus haute distinction du guide Michelin. Vous n’aviez donc pas été prévenu?
On m’avait parlé de coups de fils mystérieux pour vous prévenir, mais rien de tel n’est arrivé et le secret a été bien gardé. Toutes les conditions pour cette récompense étaient réunies, mais c’était un rêve tellement fou que je réalise difficilement ce qui vient de m’arriver. C’est hallucinant, je suis encore sur un petit nuage.

Et Michelin y a ajouté une étoile verte, synonyme d’une approche durable. De ces deux récompenses, laquelle est la plus importante à vos yeux?
L’étoile verte est aussi une magnifique reconnaissance de notre respect de la nature, du travail de l’équipe et d’un souci commun de l’avenir, même si elle ne dit rien de notre cuisine elle-même. Les trois étoiles ont été un objectif lointain, inatteignable et fou pendant tant d’années, elles représentent tant d’efforts et de sacrifices, que ça reste la récompense suprême. Nous avions des commentaires positifs, un retour génial des clients et là, je savais que l’équipe, la carte, les plats et l’endroit, tout était réuni pour la 3e étoile, j’avais le sentiment d’être dans le vrai. Mais tout de même, Michelin reste LA bible et vous entrez dans un club très restreint: 138 restos triplement étoilés dans le monde…

Fürstenau, Vitznau, Vals, vous avez travaillé dans les plus grands palaces: pensez-vous que la gastronomie a encore un avenir en dehors de ces établissements luxueux et des grands groupes?
C’est plus difficile sans doute, mais ça reste possible. J’ai la chance d’avoir le Grand Resort pour me soutenir. En 2018, à l’heure de rénover le complexe historique bâti autour des anciens thermes de Bad Ragaz, le directeur Marco Zanolari est venu me chercher, convaincu qu’il fallait jouer la carte de l’originalité, et nous avons ouvert en 2019, ce qui n’était pas le moment rêvé. Nous avons eu carte blanche pour deux des sept restaurants, dans un site qui est désormais le plus étoilé d’Europe. J’ai eu le privilège de créer quelque chose de neuf, ajouter ma touche au décor, à la cuisine, que j’ai voulue ouverte sur la salle. La chance aussi de faire du Grand Resort Bad Ragaz une destination gastronomique unique en Europe.

Avez-vous maintenant des projets hors des frontières?
Pourquoi pas, je n’exclus rien. A 36 ans, je commence à être plus vieux dans le business, auquel j’ai consacré plus de la moitié de ma vie. On verra bien.

Comment est née votre «cuisine alpine»?
C’est en travaillant à Londres que j’ai pris conscience de la réalité de l’Arc alpin en tant qu’entité culturelle, historique et culinaire. C’est un espace qui s’étend sur sept pays jusqu’à Nice, le Nord de l’Italie, l’Autriche et la Slovénie, avec un patrimoine commun et des ingrédients d’une richesse extraordinaire. Le vin, la route des fromages ou des épices, tous ces échanges. Cela dit, nous restons profondément influencés par la cuisine française, c’est aussi une part de notre histoire.

Vous avez aussi renoncé aux produits de la mer et diminué la viande?
Bon, on a même des crevettes suisses maintenant. J’ai d’abord été sceptique mais je dois dire que c’est plutôt réussi. Et le caviar de Frutigen aussi, ils ont fait d’énormes ­progrès. C’est une belle histoire. Quant à la viande, on en fait très peu, juste celle des vaches-mères du paysan voisin, voire quelques volailles françaises, mais 90 % de nos ingrédients sont suisses.

«Sans mon épouse, je ne serais pas le même aujourd’hui»

Des figures marquantes dans votre parcours?
Je suis admiratif de fortes personnalités telles que Daniel Humm, Rene Redzepi, Björn Frantzen, tous portés par une vision très personnelle et capables de se réinventer en permanence, que l’on songe aux versions successives du Noma, à Copenhague, ou à la réinvention végane d’Eleven Madison Park, à New York. Opérer de tels changements, parler haut, quand on a une telle notoriété demande beaucoup de courage. Et aussi mon épouse bien sûr – Amanda Wassmer-Bulgin, Master of Wine et directrice de la sommellerie au Memories – sans qui je ne serais pas le même aujourd’hui.

Au fait, pourquoi ce nom de Memories?
Enfant j’ai eu le privilège de grandir au vert, à la campagne, avec des produits frais et cuisinés tous les jours, dans un petit paradis. J’y exprime à la fois des réminiscences personnelles mais aussi le souhait de créer de nouveaux souvenirs, de faire vivre des expériences fortes.

(Propos recueillis par Véronique Zbinden)


Davantage d’informations:

memories.ch