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Le luxe en mode zéro déchet à l’Alpina Gstaad

Le cinq-étoiles bernois qui tient à la fois de la galerie d’art et du chalet d’alpage ressuscité tente de limiter le gaspillage alimentaire et privilégie autant que possible les produits de la région.   

  • L’impressionnant lobby avec la fresque monumentale qui orne le plafond. (Images DR)


  • Diplômé de l’EHL, le directeur Tim Weiland a travaillé au Maroc, en Inde, en Chine et à Courchevel avant d’être nommé en 2018.
  • Le carré d’agneau de Sisteron servi avec gremolata et ratatouille.
  • Le chef exécutif Martin Göschel s’est formé dans des restaurants étoilés et nourrit une passion forte pour la cuisine française.

Sous ses allures de grande bâtisse solennelle, vaste complexe de 56 chambres et suites flanqué de tours d’angle surplombant le village à l’endroit où se dressait autrefois le premier hôtel de luxe de la région, l’Alpina Gstaad d’abord impressionne. Et ce n’est pas le long tunnel qu’on emprunte pour accéder à son lobby qui fait oublier le gigantisme de la structure. Le visiteur, s’il est bien au cœur de la commune de Saanen, n’en a pas moins l’impression de pénétrer dans le repaire d’un antagoniste de James Bond.

Un acte fondateur

Une fois à l’intérieur, changement de décor. Le bois et la pierre s’entremêlent pour former l’écrin d’une galerie d’art dont l’effet de surprise lié au nombre et à la taille des pièces se répétera dans chaque recoin et à chaque étage ou presque. Le regard est aussi attiré par l’imposante fresque qui orne en apparence le plafond, juste au-dessus du grand escalier. De l’art contemporain? Non, un motif en trompe-l’œil datant de la fin du XVIIIe siècle (selon les pigments de la peinture) et étalé sur 32 panneaux de bois que les propriétaires – l’enfant de la région Marcel Bach et le Bernois d’adoption Jean-Claude Mimran – ont découverts emballés dans des cartons au fond d’une vieille ferme. Le puzzle géant, une fois assemblé, a été ­intégré à la décoration d’intérieur, au même titre que les poutres et planches de vieux chalets d’alpage chinées dans le massif alpin. Comme un acte fondateur, le surcyclage de ces bâtisses livrées à l’abandon et ressuscitées avec leurs imperfections a non seulement façonné l’esthétique du lieu, mais aussi forgé sa philosophie zéro déchet. C’est sans doute l’une des raisons qui fait que, si le chantier a certes été compliqué (un laps de temps de treize ans sépare la démolition de l’ancien hôtel du début du chantier en 2008), l’Alpina Gstaad – inauguré en 2012 – s’est aujourd’hui parfaitement intégré à son environnement. Au fil des ans, il a même reçu plusieurs distinctions, dont le Prix Bienvenu remis par Suisse Tourisme et American Express et la première place du Falstaff Hotel Guide 2022.

Pain et fruits, rien ne se perd

Depuis sa réouverture le 9 décembre dernier pour la saison d’hiver, le cinq-étoiles dirigé par l’Allemand polyglotte Tim Weiland souligne sa volonté de limiter le gaspillage alimentaire. Sous l’impulsion du chef exécutif, dont la table gastronomique Sommet by Martin Göschel est auréolée de 1 étoile Michelin et de 18 points Gault & Millau, plusieurs plats estampillés zéro déchet sont proposés à l’Offcut Food Truck, ce point de vente  posé au milieu des pistes. Au menu: empanadas à base de restes de pain de seigle et garnies de bœuf ou de curry aux légumes non utilisés en guise de plat, et, en dessert, pain aux bananes ou cheesecake apprêtés avec les fruits qui n’ont pas été transformés par la brigade de Martin Göschel. Quant à l’Alpina Lounge & Bar, situé au cœur de l’hôtel, il propose une pizza dont la pâte est faite avec les restes de pain de la veille, et qui est garnie de truffe du Périgord et d’un fromage d’alpage signé Ueli Bach. On doit d’ailleurs à ce même Ueli, membre de la famille des propriétaires, plusieurs propositions de bœuf s’inscrivant dans la philosophie nose to tail aujourd’hui largement plébiscitée.

Un plat (presque) sorti du jardin

Quid du restaurant gastronomique? Clientèle internationale oblige, la carte ne fait pas l’impasse sur certains produits de la mer – Saint-Jacques avec sabayon à la truffe ou rouleaux de sole avec citron confit au sel –, ni encore sur l’agneau de Sisteron, servi sur un kanoun et cuit à la perfection. Mais le menu réserve de belles surprises, dont la plus bluffante est sans conteste le plat intitulé Le jardin des abeilles de l’Alpina, Ce dernier, préparé en salle par le chef lui-même, est le prétexte à un cérémonial bien rôdé. «Les filets de truite suisse sont cuits à 70° C pendant 12 à 13 minutes dans la cire d’abeille que nous récoltons de la dizaine de colonies que nous hébergeons durant l’été», explique celui qui a débuté sa carrière au restaurant 3 étoiles Bareiss de Claus Peter Lumpp, à Beiersbronn, en Allemagne, avant d’enchaîner les expériences dans des établissements pratiquant cette gastronomie française qu’il affectionne tant, et d’occuper sa première place de chef au Tigerpalast, à Francfort. Une fois cuits, les filets sont démoulés de la cire devenue compacte, puis servis avec une sauce au vinaigre de miel (maison lui aussi) et des topinambours autant que possible locaux et servis en différentes textures (chips, crème, etc.). «C’est un plat presque tout droit sorti de notre jardin, une table sur deux le commande. C’est une façon d’être bon, local et durable.»

(Patrick Claudet)


Davantage d’informations:

thealpinagstaad.ch