Dès le 11 décembre, le Goldenpass Express reliera Montreux à Interlaken sans changement grâce à un système révolutionnaire dévoilé en primeur lors d’une course inaugurale.
Des rives du Léman à Zweisimmen, le trajet à bord du Goldenpass Express dure environ deux heures. A l’approche du village, les conversations se tarissent dans le wagon neuf et cosy. Chacun sait que l’entrée en gare constitue le clou du voyage; c’est ici, en plein Oberland bernois, que doit avoir lieu sinon le miracle, du moins la prouesse technique permettant de relier sans changer de train les villes touristiques de Montreux, Gstaad et Interlaken.
Or, au moment précis où se concrétisent un siècle de rêverie technologique et une décennie de développement piloté par Alstom et la Compagnie du Chemin de fer Montreux Oberland bernois (MOB), rien ne se passe. Ou alors tout se passe, mais de manière si fluide que le voyageur ne réalise pas qu’un bogie d’un type révolutionnaire fait passer le convoi flambant neuf à bord duquel il est monté à Montreux d’un écartement métrique (celui de la ligne Montreux-Zweisimmen, lié à la topographie du tracé) à un écartement standard de 1,435 m (Zweisimmen-Interlaken). C’est d’ailleurs tout le charme de cette innovation brevetée, dont le coût global (pour 23 voitures et 58 bogies à écartement variable) est de 89 millions, que de se faire oublier au profit de l’expérience du voyage.
Le voyage, justement. Il s’articule autour d’une offre déclinée en trois classes (2e, 1re et Prestige), la dernière se caractérisant par 18 sièges de grand confort (neuf à l’avant, autant à l’arrière) qui peuvent être chauffés et orientés dans le sens de la marche, selon un concept déjà courant dans les Shinkansen japonais, et indispensable si l’on veut séduire la clientèle asiatique. A ce dispositif s’ajoutent la vue panoramique dont bénéficient tous les voyageurs (ceux de la classe Prestige, rehaussés de 40 cm, sont même «en immersion dans le paysage», dixit le MOB), ainsi qu’une offre gastronomique volontairement locale.
Pour l’heure, cette dernière n’est pas encore pleinement opérationnelle, notamment en raison de la cadence limitée à un aller simple dans chaque direction à partir du 11 décembre. Toutefois, l’introduction de quatre allers-retours à partir du 11 juin 2023 coïncidera avec le déploiement d’une offre plus étoffée. C’est là d’ailleurs qu’intervient la collaboration avec la maison Testuz, établie en Lavaux depuis 1538 et intégrée à Obrist SA, et dont les couleurs ornent l’une des locomotives opérant entre Montreux et Zweisimmen. Les deux partenaires ont prévu des accords entre Gruyère et vieux millésimes de Dézaley. Toute l’année seront aussi proposés le caviar Oona de Frutigen avec crème double de Gruyère et des planchettes avec fromages et charcuterie de Gstaad et Rossinière, le tout accompagné d’une large gamme de vins Testuz. De quoi ravir les touristes (60 % suisses, 40 % étrangers), qui représentent 80 % des voyageurs des lignes du MOB.
(Patrick Claudet)