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Lucien Bacchetta, ou les miracles de «l’attitude positive intérieure»

Maître d’hôtel diplômé à la retraite, le Vaudois d’origine italienne n’a rien perdu de sa passion pour le métier et de son amour de la famille.

Lucien Bacchetta est fidèle à Hotel & Gastro Union depuis 50 ans.

A bientôt 80 ans, Lucien Bacchetta tient toujours la forme. Quand on le rencontre pour évoquer sa carrière et son demi-siècle de sociétariat à Hotel & Gastro Union, il est en compagnie de ses deux arrière-petits-enfants, Nolan et Ryan, dont il s’occupe ce jour-là avec son épouse. Les deux garçons lui grimpent sur le dos, le sollicitent à tout instant mais savent la chance qu’ils ont de côtoyer leurs arrière-grands-parents avec qui ils passent quelques heures par semaine. «En juin dernier ils ont été rejoints par le petit Riley, et, pour ma femme et moi, c’est un bonheur que de les voir grandir», confie le journaliste en herbe qui a collaboré occasionnellement pendant 12 ans au journal eXpresso, le prédécesseur de Hôtellerie Gastronomie Hebdo, pour qui il a tenu des rubriques telles que «Vrai ou faux» ou «Lequel des trois».

Une reconnaissance éternelle


Si l’on évoque son attachement à la famille, qui s’étend bien entendu à son fils Jean-Jacques et à ses quatre petits-enfants Nicolas, Jennifer, Mandy et Kelly, il faut aussi parler de sa fidélité professionnelle. Depuis 50 ans, il est membre de Hotel & Gastro Union. D’autres retraités ont quitté la société professionnelle une fois qu’ils ont arrêté de travailler, lui pas. «En 1988, alors que je travaillais au Château d’Ouchy, j’ai fait une chute de 11 mètres qui a failli me tuer. Après 62 jours d’hôpital, j’ai réintégré mon poste de maître d’hôtel en bénéficiant d’un horaire aménagé avec à la clé une baisse de salaire. Quand le secrétariat romand a évalué mon nouveau contrat de travail, il a attiré mon attention sur le fait que je serais à terme perdant. L’équipe m’a défendu et permis de réévaluer à la hausse mes conditions salariales. C’est pour cela que j’ai aujourd’hui une retraite décente, ce dont je lui serai toujours reconnaissant.»

 

«De nos jours, le service en Suisse a malheureusement perdu beaucoup de son éclat»

L’épisode l’a profondément marqué mais il n’éclipse pas les bons souvenirs. Le premier remonte au réveillon de la Saint-Sylvestre de 1957, quand il est engagé à Stresa, dans son Piémont natal, non loin de la Suisse, pour tenir le bar d’une salle de bal. A la suite de chaque troisième danse, les fêtards viennent boire un Campari ou un expresso que Lucien Bacchetta leur prépare en plaisantant avec eux. «J’ai d’emblée été à l’aise avec la clientèle et j’ai tout de suite aimé ce métier où la notion de contact est primordiale.» Le lendemain matin, sa mère vient le chercher et comprend à sa mine ravie qu’il a trouvé sa vocation. «C’était bien mieux que l’usine dans laquelle j’avais travaillé quatre ans dès l’âge de 15 ans en Suisse, où mes parents s’étaient installés avec mon frère cadet pendant que j’étais chez mes grands-parents.»

A la conquête de Londres

Dans la foulée, il effectue des stages en Italie – à l’hôtel Nazionale de Baverno et au bar Cellerini à Stresa – où il s’impose des horaires de folie pour «apprendre le métier», avant de revenir en 1958 en Suisse où il est engagé comme commis de salle au Métropole. «La brasserie et le restaurant occupaient le rez-de-chaussée, là où se trouve aujourd’hui une enseigne de produits électroniques, et il y avait une salle au sommet de la tour Bel-Air d’où j’admirais la ville», se souvient Lucien Bacchetta.

La suite de son parcours le conduit en Angleterre, où il décroche un permis de travail et rejoint les équipes de l’hôtel Savoy, «là où César Ritz était passé et où Auguste Escoffier avait créé la pêche Melba». Une forme de consécration, déjà, pour le jeune commis qui devient rapidement chef d’étage et plonge dans la frénésie de la vie londonienne. Il enchaîne avec plusieurs postes en Allemagne, d’abord à Hambourg (Atlantic Hotel) puis à Berlin (Kempinski et Hilton). «Les débuts ont été durs, j’ai dû me faire à la langue et à la mentalité germaniques que je ne connaissais pas, mais, d’un point de vue professionnel, je me suis vite senti dans mon élément.»

En 1962, il est de retour en Suisse. D’abord à la rôtisserie Saint-Christophe à Bex, puis au Château d’Ouchy où il occupera les postes de chef de rang, chef des vins et maître d’hôtel. «C’était une autre époque: il y avait trois maîtres d’hôtel et nous étions chaque jour 21 en poste rien que pour le service. Il faut dire qu’en plus de la clientèle habituelle et des célébrités qui s’arrêtaient chez nous, nous avions beaucoup de banquets qui chamboulaient constamment notre emploi du temps.» Il se rappelle d’ailleurs du soir où il avait dû faire des heures supplémentaires alors que sa famille l’attendait pour célébrer son anniversaire: «Quand je suis rentré, très tard, mon fils m’attendait avec un ballon. J’ai eu les larmes aux yeux quand il m’a souhaité un joyeux anniversaire.» Les années ont passé, mais l’émotion, elle, reste intacte.

Quand on lui demande d’où il tire la formidable énergie qui le caractérise, il évoque «l’attitude intérieure positive» qu’il s’est toujours efforcé d’adopter. Une sorte de réflexe né lors de la préparation en 1982 à sa maîtrise fédérale à l’Ecole hôtelière de Lausanne où il a élargi son réseau professionnel et acquis de nouvelles connaissances, et qu’il a par la suite essayé de transmettre à la relève dès qu’il s’est consacré à la formation professionnelle à partir de 1993. «Aujourd’hui, malheureusement, le service a perdu de son éclat, et les clients sont trop souvent mal servis. Les métiers de la restauration restent pourtant les plus beaux du monde!»

Patrick Claudet

Davantage d’informations:
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