Le projet de plan de développement régional (PDR) se donnait cinq ans pour construire une Maison de la Petite Arvine. En rachetant le bâtiment d’une cave moderne, le projet devrait pouvoir ouvrir en 2023.
Cette maison sera la «clé de voûte» du premier plan de développement régional de plaine en Valais, et le premier aussi consacré d’abord à la viticulture et à une seule commune, Fully, quatrième en ordre d’importance, avec 6,5 % du vignoble valaisan.
A 60 ans, le vigneron-encaveur Henri Valloton a décidé de vendre son domaine à la famille Schüler, déjà propriétaire en Valais de la Maison Gilliard SA, à Sion, et du Domaine des Chevaliers SA, à Salquenen. Dès la vendange de cet automne, les raisins des 8 hectares de vignes sont acheminés à Salquenen, où ils seront vinifiés par Christian Gfeller. Henri Valloton, qui a converti son domaine en bio-bourgeon depuis deux ans, reste aux manettes, dans le vignoble. Une Sàrl porte son nom et il continuera à commercialiser son stock et une gamme de six vins sous son nom, dont une petite arvine Tradition, le païen de la Combe d’Enfer, une syrah et sa fameuse durize. En vendant ses vignes, l’encaveur n’avait plus besoin de ses locaux de vinification. Il a donc vendu le bâtiment, qui abritait aussi le bar à vins Les Victorines, situé à l’est de la commune aux multiples hameaux, sur la route d’accès à l’autoroute, à l’Association du PDR, et qui regroupe une vingtaine de producteurs, présidés par Gérard Dorsaz. L’acte de vente a été passé à mi-septembre. Un cabinet d’architectes étudie les modifications pour créer la Maison de la Petite Arvine.
Les vignerons de Fully ont de grandes ambitions, at-on appris au Salon du cépage, le seul organisé en Suisse, au Beau-Rivage Palace, à Lausanne, le 12 septembre. L’ancien sommelier du Beau-Rivage et directeur commercial du Caveau de Bacchus, tous deux à Genève, Vincent Debergé, y a donné une «master class». Il a rappelé que la petite arvine, cépage valaisan indigène, dont l’analyse ADN n’a pas permis d’identifier les parents, est connue depuis 1602. Mais elle a failli disparaître dans les années 1970. En 1991, on n’en comptait plus que 39 hectares, multipliés par huit pour atteindre 244 ha en 2021. En quinze ans, sa surface a doublé. Fully conserve une spécificité, grâce à son terroir particulier et à son sous-sol, pro-longement de la veine granitique, de loess et de gneiss, du massif du Mont-Blanc, qui passe aussi par le col de la Forclaz et les vignobles de Martigny. Calcaire et argile y sont très minoritaires.
«A Fully, on est sur des arvines complexes, plutôt qu’aromatiques, et qui évoluent dans le temps. Leur signature réside dans les amers et la salinité propre au cépage.» On a apprécié «Les Claives» 2021 de Véronyc Mettaz, en conversion bio, une ardente avocate des vins labellisés «Marque Valais», comme Marie-Thérèse Chappaz, dont l’arvine «Grain noble», incomparable en liquoreux, figure au trésor de la Mémoire des vins suisses, comme les vieux millésimes de Benoît Dorsaz, ardent défenseur du temps laissé aux arvines de Fully, qu’elles soient sèches, comme «Les Perches» 2015, ou liquoreuse comme la «Grain de Folie» 2011. Mention à Gérard Dorsaz, pour «Ma petite arvine 2021», tirée de vignes de plus de 50 ans, puissante et discrètement fumée, et à Alexandre Delétraz, qui en présente plusieurs, dont la «Cuvée Safran 2008», liquoreux élevé dix ans sous bois. Pour Vincent Debergé, cette cuvée se rapproche des rares vendanges tardives de Jurançon, à base du cépage petit manseng.
(Pierre Thomas)