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Solla Eiríksdóttir «Le grand défi est de valoriser le goût qui est la clé de tout»

L’île de tous les geysers n’en est pas à une curiosité près: star à Reykjavik, Solla Eiríksdóttir publie «Raw Food», bible de l’alimentation végétarienne, fraîche, saine, créative.

Solla Eiríksdóttir est incontournable sur la scène culinaire islandaise.

HGH: Solla Eiríksdóttir, ­comment en êtes-vous venue à l’alimentation crue?
Solla Eiríksdóttir: A l’âge de vingt ans, en 1980, j’ai souffert de problèmes d’allergies et j’ai changé ma façon de m’alimenter pour adopter un régime macrobiotique. Tous mes ennuis de santé ont alors disparu. Une quinzaine d’années plus tard, j’ai entendu parler pour la première fois de Raw Food (ou crusine ou alimentation vivante) à l’occasion d’une conférence et ça a été un véritable coup de foudre. Le sens de la démarche, son impact ont été immédiats, une évidence pour mon corps. Je suis partie me former à Porto Rico, puis par la suite en Californie parmi les Gourmet Raw Chefs.

Comment mangez-vous aujourd’hui?
Aujourd’hui je suis végane à 100% et mon alimentation est crue à 80%. J’ai recommencé à manger un peu d’aliments cuits avec la ménopause, parce que je men sentais mieux ainsi. J’écoute toujours les messages que m’envoie mon corps.

Manger sain et vert semble aussi être une tradition familiale?
J’ai beaucoup de chance: mes parents sont végétariens tous les deux et sont les êtres les plus positifs et enthousiastes du monde. Aussi loin que je me souvienne, ils ont toujours cultivé leur jardin, fermenté et apprêté au quotidien leurs propres légumes.

Votre fille Hildur, violoniste du fameux groupe rock Sigur Ròs, musicienne à succès, délaisse volontiers les tournées mondiales pour le plaisir de cuisiner avec vous?
Hildur est musicienne, mais elle a aussi une formation de nutritionniste. C’est quelqu’un de très créatif en cuisine et nous adorons passer du temps ensemble à imaginer de nouvelles recettes, en améliorer d’anciennes ou revisiter les classiques du répertoire familial.

Dans un pays aussi froid que l’Islande, manger cru ne doit pas être facile tous les jours pourtant.
Les principes de l’alimentation vivante admettent de chauffer les produits jusqu’à 42°, ce qui est relativement chaud. La technique aide aussi: recourir au déshydrater pour préparer des pizzas ou du pain fait qu’il n’est pas plus difficile de manger cru en Islande qu’en Californie.

Vous dirigez cinq restaurants – quatre Fast Good et un restaurant-boutique de haut vol, Gló –, un marché de produits bio et votre propre marque d’aliments bio. Comment faites-vous pour mener autant d’activités tout en restant présente dans la cuisine de Gló?
Je suis plutôt du genre hyperactif, ce qui n’est pas forcément une bonne chose, mais je suis présente dans ma cuisine très très tôt le matin et j’ai là mes moments les plus précieux pour créer des recettes et les travailler en fonction de mes différents restaurants. Et puis je dois dire que je bien entourée: mes collaborateurs sont formidables, j’ai beaucoup de chance.

Les Islandais semblent très familiers de Raw Food. ­Diriez-vous qu’ils sont à l’avant-garde des tendances culinaires ou avant tout ­sensibilisés aux aspects ­bénéfiques pour la santé?

Je crois que les Islandais sont plutôt réceptifs aux nouvelles tendances culinaires. Il faut dire que c’est assez facile de faire passer un message, puisque nous ne sommes que 350 000 personnes sur l’île. Raw Food est votre sixième livre. Pourquoi un de plus? Le propos est-il différent des précédents? C’est le premier livre que je publie en anglais – désormais aussi traduit en français. Les gens me demandaient depuis longtemps d’avoir des recettes en anglais: j’ai donc saisi l’occasion quand Phaidon m’a proposé cette collaboration.

Pour le reste des Européens, l’Islande fait figure de mystère, que l’on évoque son équipe de foot (!) ou le fait que l’égalité hommes-femmes semble y être une réalité. Comment expliquer cette singularité?
Je crois que l’éloignement, le fait de vivre sur une île coupée du reste du monde par l’océan Atlantique nous rend forts. C’est aussi ce qui oblige les femmes à s’acquitter des mêmes tâches que les hommes. Le niveau d’éducation est assez élevé, l’explication étant peut-être que nos hivers sont longs, avec des jours très courts et qu’on y apprécie beaucoup la lecture et l’étude.

Vous êtes une des pionnières de la cuisine crue: où en est ce mouvement à l’heure actuelle? Toujours en train de gagner en importance dans le monde?
Je crois que le véganisme est en train de conquérir la planète. Mais le Raw Food est extrêmement important pour ses aspects techniques, qui permettent de préserver tous les éléments nutritifs des aliments et de travailler les produits de la plus saine des manières.


Comment créez-vous une ­nouvelle recette et quelle est la part de l’esthétique?


J’aime bien me réapproprier des classiques en les réinterprétant sur un mode réellement sain. Mes lasagnes crues sont une de mes recettes favorites, dont le secret tient au goût des ingrédients. Le goût est la clé de tout, le valoriser est à la fois un grand défi et une de mes activités préférées. Propos recueillis par Véronique Zbinden

Véronique Zbinden

Davantage d’informations:
<link http: www.rawsolla.com>www.rawsolla.com

Un livre intéressant
On le savait: depuis quelques années, le cru est tendance. L’avènement d’un courant qualifié de gourmet (dans le sillage du Living Light Culinary Arts Institute) n’y est pas étranger, contribuant à dissiper les images d’ascèse et de renoncement. Un engouement qui doit aussi au militantisme de stars, d’Uma Thurman à Beyoncé – Ben Stiller est un des plus grands fans de Solla. Premier restaurant de «crusine» d’Islande, ouvert voici vingt ans, Gló est aujourd’hui un des plus populaires du pays.!

«Raw Food – recettes végétariennes pour une nouvelle cuisine nature»
Solla Eiríksdóttir
Editions Phaidon 240 pages, relié
ISBN: 978-0-7148-7204-9