La Société Suisse de Nutrition (SSN) vient de présenter les nouvelles recommandations alimentaires dans le cadre de son congrès national à Berne.
Entre les lignes de cette nouvelle bible du mangeur helvétique, la santé et la durabilité, enfin dûment intégrées, ont servi de fil rouge. Les précédentes pyramides dataient de 1998, 2005 et 2011, et il aura fallu plus d’une décennie pour que des experts en nutrition accouchent de celle-ci, en commençant par y injecter la masse des données scientifiques récentes et les interactions mieux connues entre l’alimentation et les grandes maladies non transmissibles de l’époque. La prévention des maladies cardiovasculaires, des cancers, du diabète et de l’obésité est ainsi au cœur de cette nouvelle diète idéale. Une vingtaine de chercheurs du CHUV et de l’Université de Lausanne y ont travaillé avec le professeur Pedro Marques-Vidal.
Pour certains ingrédients, les données sont claires – une consommation excessive de viande rouge augmente les risques de cancer colorectal – d’autres ont des effets plus disputés, à l’instar de la viande blanche. En outre, s’il est clair que les omega 3 du poisson contribuent à prévenir les maladies cardiovasculaires, comment tenir compte de l’impact de la pêche sur l’environnement? La volonté d’intégrer la durabilité dans le calcul ajoute clairement une difficulté à l’exercice, dessinant tour à tour des synergies et des conflits entre santé et durabilité. Mais aussi, pour évoquer le poisson, de quelles méthodes de pêche ou d’élevage, voire de quelles espèces parle-t-on? La société zurichoise Intep, spécialisée dans la gestion de l’environnement et des ressources, a apporté son éclairage en termes de climat, d’émissions, de consommation d’eau et d’énergie, des effets de la production agricole et de la transformation, de l’emballage et du transport. 44 catégories et 115 produits ont été analysés pour leur bilan écologique.
Enfin, la nécessité d’agréger une telle quantité de paramètres, volontiers contradictoires, a nécessité la création d’un logiciel d’optimisation par la société marseillaise spécialisée MS-Nutrition. Parmi les nouveautés de la pyramide 2024, les quatrième et cinquième étages ont été scindés en deux pour mettre sur le même plan, tout en les distinguant, les laitages, yaourts et fromages et le groupe renommé «Légumineuses, œufs, viandes et autres». Le steak – la viande rouge plus précisément – a en effet disparu du tableau, «ce qui ne signifie pas qu’il faille l’exclure totalement», nuance Véronique Guerne, qui a supervisé le projet à l’Office fédéral de la Sécurité alimentaire et des Affaires vétérinaires (OSAV). On peut l’inclure dans un régime diversifié en prenant garde à ne pas dépasser cinquante grammes et deux à trois doses hebdomadaires.
Pour des considérations analogues de santé, les boissons sucrées, confiseries et autres snacks industriels figurent tout en haut de la pyramide, réduits à la portion congrue. Les considérations environnementales ont par ailleurs dicté l’élimination des bouteilles en PET, remplacées par une carafe et une gourde, alors que les cinq portions quotidiennes idéales de fruits et légumes sont représentées par des variétés cultivées chez nous, du brocoli à la betterave, plutôt que par d’exotiques bananes. Quant au jus de fruits, il a disparu du tableau, surtout pour sa teneur en sucre, tandis que les laits végétaux et autres substituts n’apparaissent pas, Pedro Marques-Vidal soulignant l’absence d’une vision claire de leurs effets sur la santé. Si tous diffèrent dans leur composition, ils n’apportent aucun calcium, contrairement aux vrais laitages. Et on n’a pas davantage d’assurances quant à la manière dont leurs éventuels additifs sont assimilés.
(Véronique Zbinden)