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Ottolenghi pose ses couteaux à Genève en janvier 2025

La rock star de la cuisine levantine donnait samedi une conférence à Lausanne devant une salle comble et sousle charme.

Comment trouver encore du goût et du bonheur à cuisiner et à manger lorsque le monde s’effondre? La cuisine peut-elle contribuer à réparer les pièces déchirées du puzzle proche-oriental? Rassembler autour d’une même table et de traditions communes des communautés déchirées que tout désormais semble opposer? Donnant samedi une conférence à Lausanne dans le cadre de son Comfort Tour, suite à la parution du livre éponyme, Yotam Ottolenghi a répondu à ces questions et une myriade d’autres, avant de réaliser sur la scène du Métropole une petite recette en forme de quizz. Le chef et entrepreneur anglo-israélien avait attiré un public dense, cosmopolite, captivé et visiblement familier de son univers. Cette tournée mondiale d’une vingtaine de dates a emmené la rock star qu’il est des Etats-Unis à l’Australie et de l’Allemagne au Royaume-Uni, où il réside depuis 1997.

Un cursus intellectuel prometteur

La communauté expatriée de la région était visiblement impatiente d’en savoir plus sur l’ouverture prochaine d’une table dédiée à l’idole gay de la foodosphère – l’enseigne est accrochée depuis peu à la devanture du Mandarin Oriental, Quai Turrettini, à Genève.

Pour présenter en quelques lignes Yotam Ottolenghi à ceux qui auraient pu échapper à sa notoriété planétaire, il est né à Jérusalem-Ouest un 14 décembre 1968 au sein d’une famille d’intellectuels juifs immigrés. Prof de chimie, son père Michael est originaire de Florence, sa mère Ruth, elle aussi enseignante, est d’ascendance allemande. Une enfance heureuse, assombrie seulement par la mort accidentelle de son frère, parmi une bande de gamins errant librement et sans soucis de part et d’autre de cette cité multiculturelle bigarrée, aux parfums épicés de kemoun, de zaatar, de rose et de sumac. Yotam entame des études de littérature comparée et philo à Tel Aviv, puis Amsterdam, avant de changer brusquement d’orientation et de renoncer à sa thèse et un cursus intellectuel prometteur, au désespoir de son père. Londres, où il s’installe en 1997, n’est pas alors la métropole que nous connaissons aujourd’hui. Londres qui ces jours se mobilise fortement, bouleversée et prompte à manifester face aux massacres en cours en Palestine occupée et au Liban, bien loin de l’indifférence affichée par la plupart des métropoles occidentales. Notting Hill, en particulier, base de Yotam évoquant quelque enclave proche-orientale avec ses multiples commerces, cafés et résidents immigrés, jusqu’aux oliviers qui se sont mis à fleurir aux terrasses et aux devantures.

Un alter ego arabe

Yotam s’inscrit donc à l’école française de cuisine Le Cordon Bleu, très technique, très classique, autant dire aux antipodes de son style, de ses aspirations, de sa personnalité. Il rencontre durant ces années londoniennes un jeune Palestinien voué à devenir son associé, jusqu’à ce jour: Sami Tamimi tient un petit deli du côté de Knightsbridge et il fait bientôt figure de frère, d’alter ego arabe, grandi en tant que jeune ado gay au sein de la même société ultraconservatrice. Surtout, ils partagent une passion dévorante pour la cuisine, une vision commune singulière, qui n’est pas celle en vogue alors dans le monde occidental.

Le «Comfort Tour» de Yotam Ottolenghi, basé sur son livre éponyme, s’est arrêté samedi à Lausanne. (Caitlin Mogridge)

En 2002, Yotam et Sami ouvrent ensemble un premier petit resto-épicerie: Ottolenghi Notting Hill sera suivi de huit autres adresses au fil des ans et de l’engouement croissant, la dixième suivra sous peu, en janvier prochain à Genève. Le duo coécrit en 2013 son premier livre, Jerusalem, best-seller suivi par neuf autres ouvrages: Nopi, Rovi, Plenty, Plenty More, The Cookbook, Sweet, Extra Good Things, puis durant la pandémie, Shelf Love, autour de recettes simples du placard – avec un succès jamais démenti.


Sa cuisine? Colorée, multiculturelle et métissée, très marquée par le végétal


Plus récemment, Comfort, suivi d’une tournée mondiale s’articule autour de la notion de comfort food, qui répond assurément selon l’auteur à un besoin de réconfort et de joie, qui un monde devenu dingue, qui en manque cruellement

Son livre parle de nomadisme et d’immigration, d’enracinement aussi. Il y est question de recettes qui nous ramènent et nous relient à notre enfance «à la manière d’objets transitionnels, d’un câlin métaphorique». L’ouvrage est aussi selon son auteur une célébration des valeurs familiales, de la joie du partage, un mélange de nostalgie et d’innovation, de créativité et de fraîcheur rassemblant voyages et anecdotes personnels. A l’instar des précédents livres, il a été traduit dans la plupart des langues possibles et imaginables – l’hébreu et l’arabe exceptés. S’y ajoutent des chroniques hebdomadaires dans The Guardian et mensuelles dans le New York Times, quelque 2,6 millions de followers sur Instagram et sa chaîne You Tube. Son nom lui-même est désormais, bien au-delà du seul patronyme, un concept, et même un verbe (les initiés parlent de «ottolenghifier» un plat, une recette, un menu…) Une légende savamment entretenue, à la façon d’une rock star.

(Véronique Zbinden)


Davantage d’informations:

ottolenghi.co.uk