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La disparition de Guillaume Bichet suscite une vive émotion

Il avait créé un mini-empire dans la région lémanique et dynamisé le paysage genevois des desserts.

Sur la photo prise à Paris, Porte de Versailles, à la finale européenne de la Coupe du monde de la pâtisserie, il s’affiche souriant aux côtés des deux candidats suisses qu’il coachait (cf. HGH n° 03/2024). C’était quelques jours avant qu’on apprenne la disparition soudaine de Guillaume Bichet, le 30 janvier, à 37 ans. Un choc pour son entourage, sa famille, ses amis, sa clientèle et ses fournisseurs, qui s’est traduit par des centaines de témoignages de sympathie, l’envoi de fleurs innombrables, la présence d’une foule aux funérailles dans la petite église de Founex.

Les compétitions, «son ADN»

Il faut dire que le Français est à l’origine d’un véritable empire de douceurs – huit boutiques et deux restaurants – de Genève à Montreux, créé en un temps record. Et qu’il a contribué à dynamiser le paysage genevois avec les gâteaux frais, légers, peu sucrés que tout le monde recherche désormais. Il s’est attaqué à certaines traditions chocolatières locales en contribuant à les dépoussiérer: c’est le cas des amandes princesses, devenues son produit phare, et de ses ganaches. Le goût et la qualité, mais aussi l’esthétique, ont joué un rôle clé dans son succès. Une attention particulière est portée au packaging, avec des boîtes évoquant l’univers de la joaillerie ou de la parfumerie, un design soigné des bonbons, pralinés et gâteaux – des cœurs poudrés ou lustrés rouge vif, avec leur caramel yuzu-vanille, aux roses délicates proposées pour la Saint-Valentin.

Guillaume Bichet le 21 janvier dernier lors de la sélection européenne de la Coupe du monde de la pâtisserie. (Alexandre Allou)

Né à Bordeaux, Guillaume grandit entre Tahiti, l’Alsace, et l’Allemagne dans le sillage d’un père militaire et arrive dans la région à l’adolescence. Apprentissage de pâtissier, suivi de jobs chez plusieurs artisans de la place, dont trois ans au Domaine de Châteauvieux, chez l’étoilé Philippe Chevrier. A 18 ans, il avait déjà un plan de carrière, se souvient Sébastien Brocard, son premier patron installé dans l’Ain. Qui décrit Guillaume comme volontaire, investi, jovial. Philippe Chevrier l’a connu de même à ses débuts: 20 ans à peine mais le feu sacré. «Il est arrivé commis et en trois ans a fini chef pâtissier. Un bon palais, un goût précis, beaucoup de finesse.»

Un talent pour donner un nouvel éclat à certaines traditions locales

Très proche de lui, le MOF de Carouge Christophe Renou dit avoir partagé l’envie «de faire briller nos métiers, repousser les limites, le goût des concours». Guillaume Bichet a participé à deux reprises au Mondial des Arts sucrés, finissant au quatrième et sixième rang. Recalé aux sélections des MOF, il rêvait de s’y préparer à nouveau et de passer le prestigieux concours. Les compétitions, c’était «son ADN». Peu avant sa disparition, il était à Paris en tant que coach de l’équipe suisse de la Coupe du monde de la pâtisserie incarnée par Pierre-Antoine Vardan, responsable de son labo chocolat de Coppet, et Paul Perrin, pâtissier au Restaurant de l’Hôtel de Ville de Crissier. Intense et serrée, la sélection européenne a été remportée par la France, mais la Suisse a décroché sa wild card pour la finale en 2025.

Les projets en cours maintenus

Guillaume et Elodie Bichet se sont rencontrés en 2009 chez Ducret, à Genève, où tous deux venaient d’être engagés, lui comme responsable de la production, elle à la vente de gâteaux. Coup de foudre. En 2011, le duo reprend la boutique de Coppet et rachète le fonds de commerce grâce à un prêt bancaire. «Ce sont des années compliquées. En 2016, nous parvenons enfin à rembourser l’emprunt et y ajoutons le salon de thé de Coppet.» Là-dessus, on leur propose de reprendre l’enseigne Cartier à Versoix. La rencontre de Michela et Stéphane Degenne sera déterminante pour donner un nouvel élan à l’entreprise. Le couple de traders doit sa fortune au pétrole; des amis les mettent en contact, l’artisan cherchant un soutien financier pour ne plus dépendre des banques. «Ambitieux, fonceur, il a une aura qui donne envie de le suivre», raconte Michela Degenne. En 2018, les deux couples s’associent pour créer Chocovor SA; plusieurs millions sont investis et Michela s’implique dans l’entreprise. Un cinquième investisseur les rejoint en 2023. Les projets en cours devraient se réaliser à terme, en hommage à Guillaume.

Selon ses proches, son décès soudain serait lié à la malaria contractée à Madagascar lors des vacances de fin d’année. La crise cardiaque à l’origine de sa mort aurait été provoquée par cette maladie tropicale. Une autopsie est en cours.

(Véronique Zbinden)