Chef de cuisine avec brevet fédéral, Frédéric Auderset est enseignant au cycle d’orientation de la Golette, à Meyrin, où il partage son savoir-faire et son expérience personnelle avec des jeunes de tous horizons.
Une bonne question posée au bon moment suffit parfois à changer le cours d’une vie. Frédéric Auderset en sait quelque chose, lui qui a bâti sa vie professionnelle avec succès dans la gastronomie alors que son parcours scolaire chaotique ne laissait rien présager de bon. Un jour, alors qu’il est exclu pour une semaine, le doyen de son établissement lui demande ce qu’il aime faire. «Là, ça a été le déclic. Je lui ai dit que j’aimais cuisiner, et, au lieu de me renvoyer à la maison, il m’a fait travailler une semaine à la cafétéria de mon école de commerce», se souvient le Genevois.
Dans sa famille, pas de chef ni de grand-mère qui lui aurait transmis ses secrets. En revanche, il dit avoir très tôt pris l’habitude de cuisinier pour ses camarades de classe, qu’il invitait chez lui à midi. Une pratique informelle du métier qu’il professionnalise en entamant un apprentissage dans un EMS du Petit-Saconnex, à deux pas de chez lui. «J’ai eu la chance d’avoir un bon maître d’apprentissage, auprès de qui j’ai appris les bases du métier – chaque jour nous préparions les potages et les fonds – dans un environnement serein et bienveillant, tout en étant chargé des plats à la carte dès la deuxième année.»
Frédéric Auderset, enseignant
Son parcours le conduit ensuite dans plusieurs maisons étoilées de la place. Sa première rencontre avec la haute gastronomie a lieu au Chat-Botté de Dominique Gauthier. C’est le coup de foudre: en l’espace de quatre ans, il passe à tous les postes et l’ambiance au sein de la brigade est aussi stimulante qu’enthousiasmante – «je suis toujours en contact avec certains de mes collègues de l’époque».
Après un détour par le Valais, où il fait l’ouverture en tant que chef de partie du restaurant Le Crans, Frédéric Auderset rejoint le Lion d’Or. Sa «maison de cœur», dit-il. Là où il a non seulement perfectionné ses techniques au contact de deux chefs à l’ancienne, Gilles Dupont et Tommy Byrne, mais où il a eu aussi la chance de devenir cadre pour la première fois. «On m’a fait confiance et j’ai payé mes galons à Cologny. Aujourd’hui encore, je suis en contact régulier avec le chef Byrne, qui a été pour moi comme un père de substitution», confie celui qui a perdu le sien très jeune.
La naissance de sa fille l’incite ensuite à «calmer le jeu». Il rejoint les Etablissements publics pour l’intégration (EPI), qui accueillent des personnes en situation de handicap ou en difficulté d’insertion sociale et professionnelle. A la liberté totale que lui offre sa nouvelle fonction s’ajoute le travail au quotidien avec une population attachante, qu’il accompagne avec bonheur et dont il découvre les spécificités. Cette dimension pédagogique éveille en lui de nouvelles envies, puisqu’à la suite d’une nouvelle séquence dans la haute gastronomie (Il Lago au Four Seasons Hôtel des Bergues, Domaine de Châteauvieux, entre autres), il entreprend une formation de formateur d’adultes, avant de se lancer dans le brevet fédéral de chef de cuisine, alors qu’il est en poste aux Hôpitaux Universitaires de Genève. Suit sa première expérience en tant qu’enseignant d’un cours CFC au Centre de formation professionnel neuchâtelois (CPNE) qu’il doit à Urs Chalupny, directeur adjoint du pôle Artisanat et Services – «une belle rencontre professionnelle».
Aujourd’hui enseignant en éducation nutritionnelle au cycle d’orientation de la Golette, à Meyrin, Frédéric Auderset est au contact d’élèves en grandes difficultés scolaires qui accomplissent leur dernière année de scolarité obligatoire dans le cadre de classes ateliers. «Je retrouve en eux l’adolescent que j’étais, et, à ce titre, mon expérience personnelle est une plus-value certaine. Et comme nous sommes deux maîtres de classe – un historien au cursus académique et l’ancien apprenti cuisinier que je suis –, les jeunes ont devant eux la preuve que la formation professionnelle ouvre de belles perspectives si l’on sait se poser les bonnes questions au bon moment.»
(Patrick Claudet)