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L’Alto Piemonte et son embellie viticole

C’est une région au revers sud du Mont-Rose qui est l’une des «cités européennes du vin» 2024. Reportage dans la Valsesia à la découverte du prometteur nebbiolo.

On est bien au Piémont. Mais pas dans les Langhe ou le Roero, mis de côté. Le projet des «cités européennes du vin» 2024 est éclaté dans des régions moins connues des amateurs de vin. Une vingtaine de bourgades viticoles sont concernées dans le «grande Monferato», au sud et au nord d’Asti, et l’Alto Piemonte. Ainsi, au château de Novare se tiendra du samedi 11 au lundi 13 mai une exposition-dégustation sur les appellations du nord du Piémont regroupées dans le «Consorzio di tutela Nebbioli Alto Piemonte».

A la gloire du nebbiolo

Le ton est donné: le grand cépage rouge du Piémont, le nebbiolo, est à l’honneur sur les 727 ha de la ­région, soit la superficie de Barbaresco. Mais ici, les crus sont sept: deux, Gattinara et Ghemme, ont obtenu, dans les années 1990, leur classement en DOCG, l’étage supérieur de la hiérarchie italienne. Les autres doivent se contenter de la «simple» dénomination d’origine contrôlée (DOC), le trio Boca, Fara et Sizzano, dès 1969, puis Lessona et Bramaterra. S’ajoutent deux DOC, les Colline novaresi et les Coste della Sesia, qui mentionnent le nom du cépage. Le nebbiolo, appelé spanna, est attesté dans la région depuis 1266, mais la vigne remonterait à 700 ans avant notre ère, dans la région de Novare. Cette dernière, sous l’impulsion du puissant évêque, connaîtra des expéditions en bouteilles jusqu’au Vatican, attestées en 1596. Il s’agissait de gattinara, loué dans un poème à la gloire de Napoléon en 1810. Mais, en 1845, c’est le sizzano que vante le comte de Cavour, un des fondateurs de l’unité italienne, qui fera planter le nebbiolo chez lui, à Grinzane, près de Barolo. Le Turinois cite le rouge local comme «vin de luxe», apte à rivaliser avec les meilleurs bourgognes.

Victimes de l’industrialisation

Au 19e siècle, les coteaux de l’Alto Piemonte affichaient 40 000 ha de vignes. Et la Suisse importait des vins rouges de cette région et de la Valteline, le vignoble indigène étant voué au blanc... Et puis, l’économie vitivinicole s’effondra. Quelques rares coopératives ont entretenu le flambeau, avec des raisins livrés par des vignerons du samedi, quand ils n’étaient pas ­occupés dans les usines de tissage de laine de Biella ou de robinetterie de la Valsesia.

Derrière Boca, sur des collines qui n’ont rien à envier à celles des Langhe, la vigne est cultivée de manière moderne, sur fil. Et le nebbiolo s’y plaît, avec la vespolina et la croatina. (Pierre Thomas)

Après l’oïdium et le mildiou, le phylloxéra a sévi. Le sursaut ­viticole n’est intervenu qu’il y a une vingtaine d’années. Comme à Boca, qui vivra son marché local durant trois week-ends, du 18 mai au 2 juin, au pied du mont Fenera, seul massif calcaire au milieu des restes d’un supervolcan qui provoqua une des plus puissantes ­explosions de la planète, il y a 280 millions d’années. Et dont le cratère, la caldera, a basculé sur la tranche. On trouve des roches ­volcaniques, très acides, et du ­porphyre de toutes les couleurs, émietté en gravier, dans les hauts de Gattinara, à Boca, et charrié par les cours d’eau, à Ghemme, notamment.

Au-dessus du supervolcan

Sur le Piémont, Boca bénéficie de la complexité de ce sous-sol. Jadis, 3000 ha de vigne garnissaient les contreforts du mont Fenera. Aujourd’hui, ils sont une quarantaine, cultivés par une douzaine de vignerons. Et c’est un Grison, Christoph Künzli, qui est le plus important acteur de Boca. Son domaine Le Piane produit 70 000 bouteilles par année. Marchand de vin, il a appris à faire du vin en Toscane, où sa famille passait ses été. En 1995, le Suisse rencontre un viticulteur âgé, Antonio Cerri, qui lui cède son domaine. C’est toujours là que Le Piane a sa cave, agrandie en 2021, outre un caveau de dégustation à Boca. Sous ce simple nom, il produit un des vins les plus prestigieux de l’Alto Piemonte, assemblage de 85 % de nebbiolo et de 15 % de ­vespolina, élevé dans des foudres de chêne de Slavonie ­durant quatre ans.


«La bureaucratie rechigne à redonner de la terre à la vigne»

Christoph Künzli, vigneron autodidacte


Vigneron autodidacte, qui se méfie des œnologues, Christoph Künzli, sexagénaire, songe à passer la main. La société propriétaire du domaine est suisse, mais la majorité du capital est détenue par des Finlandais, passionnés par la vigne et rencontrés par hasard. Le Grison a réussi à former une équipe motivée, à qui il remettra les clés de Le Piane, de ses 4 ha de vieilles vignes cultivées selon le système de la «maggiorina» (entre le gobelet et la pergola) et ses 7 ha récupérés de dizaines de propriétaires ou reconquis sur les terrasses envahies par les châtaigniers. C’est là son grand regret: «J’aurais voulu faire passer la surface du domaine de 11 à 15 ans. Mais la bureaucratie ­rechigne à redonner de la terre à la vigne. Quand je vois qu’il y a 25 ans, les rares vignerons étaient au fond du trou, je me dis que nous avons un avenir, même s’il est plus difficile de cultiver la vigne ici que sur l’Etna.»

Avec le réchauffement climatique, ce vignoble héroïque, situé entre 400 et 600 m d’altitude, bénéficiant d’un bel automne alpin, avec des cépages adaptés, a plus de chance que les régions méditerranéennes, c’est sûr!

(Pierre Thomas)


Davantage d’informations:

cittaeuropeadelvino2024.eu

consnebbiolialtop.it