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Le thé, cette nouvelle petite robe noire extra

La gastronomie marie avec bonheur les mets et les grands crus de pu-erh et autre sencha, Quels sont les secrets d’un pairing réussi? Les conseils d’une experte.

Un gravlax de saumon aux agrumes et un thé blanc légèrement parfumé au pamplemousse. Des morilles farcies, siphon au vin jaune, copeaux de champignons et noisettes et un pu-erh bio. Un agneau de Jussy, jeunes carottes au miel et jus citronné avec un thé vert sencha. Voilà quelques-uns des accords subtils que proposaient récemment le chef étoilé Serge Labrosse et son second Alexandre Joutard lors d’un atelier-repas, en collaboration avec la maison suisse Chanoyu. Ce «voyage au pays de la cuisine au thé» illustre le formidable engouement pour le breuvage millénaire sous toutes ses formes. Une des questions clés étant de savoir comment celui-ci peut remplacer avantageusement le vin.

Belle complexité aromatique

Et si le thé était LA nouvelle petite robe noire de la cuisine? Vert, noir, oolong ou pu-erh, blanc, jaune, oxydé, fermenté ou torréfié, voire parfumé, mais aussi sobacha, maté ou rooibos – soit des thés non issus de théiers Camellia sinensis –, la gamme est vaste, sinon infinie. La complexité aromatique au moins équivalente à celle des crus issus de la vigne.

Une des premières Occidentales à s’aventurer sur ce terrain est Adeline Grattard: marquée par ses séjours en Asie, la cheffe du Yam’Tcha, à Paris, imagine depuis des années un double pairing avec ses menus, classique ou résolument tourné vers les jardins orientaux. Adeline Grattard travaille aussi en tandem avec son époux hongkongais et expert en thés Chi Wah.


«La Suisse romande a un intérêt pour les pures origines et les thés aromatisés»

Valérie Peyre, maîtresse de thé chez Chanoyu


L’intérêt pour le tea pairing est assez récent, estime Valérie Peyre, et il tiendrait à deux facteurs: l’ouverture des clients sur le monde des «autres cuisines», et la tendance au « no/lo alcool.» «Il s’agit dès lors de trouver d’autres voies pour rehausser et mettre en valeur les plats avec des crus servant d’exhausteurs de goûts», détaille celle qui a rejoint en 2021 l’enseigne helvétique Chanoyu en qualité de maîtresse de thé et responsable des ventes.

Maîtresse de thé chez Chanoyu, Valérie Peyre explique le succès du pairing notamment par l’ouverture des clients sur les cuisines du monde. (dr)

Valérie Peyre répond à des demandes de plus en plus nombreuses émanant de l’hôtellerie-restauration, collaborant avec des enseignes de haut vol telles que La Réserve ou Les Bergues, à Genève, le Bellevue Palace à Berne, Six Senses à Crans Montana. «La Suisse Romande a des goûts plus proches du marché français avec un intérêt pour les pures origines et les thés aromatisés, voire pour des mélanges originaux, alors que le marché alémanique aime beaucoup les infusions, notamment les mélanges de plantes.» Le marché du thé a été longtemps un marché «classique» dominé par de grandes marques. «Depuis une quinzaine d’années, il s’est beaucoup diversifié avec l’apparition de nouveaux acteurs et de nombreuses boutiques», relève Valérie Peyre, qui évoque les formes nouvelles qu’il adopte: capsules, sachets originaux de formes, textiles ou matériaux nouveaux, bubble tea, etc. «On a vu émerger ces dernières années une tendance aux aromatisations «fun», par exemple blueberry muffin voire des versions enrichies en vitamines ou en collagène. Aujourd’hui, selon le positionnement des marques et leur univers, on note un grand intérêt pour les thés vert et les infusions.»

Assemblages imaginatifs

On ajoutera à ce tableau les créations pétillantes du sommelier danois Jacob Kocemba et de son associé Bo Sten Hansen, à l’origine de la Sparkling Tea Company. Cherchant à l’origine à accompagner des desserts, il ne trouve rien de convaincant en dépit des quelque 1700 références que compte sa cave et commence à imaginer des assemblages de thé et autres ingrédients. Tous les composants sont bios, la sélection pointue: les feuilles de thé sont infusées à froid ou à chaud afin d’en extraire la quintessence. Ici, l’hibiscus ajoute des notes de baies rouges et une légère amertume, évoquant un champagne rosé; là, les notes florales et une touche de jasmin évoquent un jardin japonais; ailleurs, quelques parfums épicés s’ajoutent à la complexité et à l’umami de la boisson.

Les secrets d’un bon pairing

Comment réussir un bon pairing chez soi? Valérie Peyre suggère, parmi les classiques, d’associer un thé noir de type Golden Yunnan avec des viandes rouges ou du canard. «L’Assam ou un Darjeeling de printemps mettront en valeur des viandes blanches, alors que l’Earl Grey accompagne bien une tarte au citron ou un gâteau aux fruits rouges». Autres suggestions de l’experte, «oser un thé japonais de type gyokuro sur des poissons grillés et un sencha floral pour les poissons crus». Mais encore? Un thé fumé se mariera magnifiquement avec un pigeon ou un dessert au chocolat, alors qu’un rooibos, aromatisé ou non, sera intéressant avec un canard ou des desserts aux agrumes.

(Véronique Zbinden)


Les thés du Japon et de Corée à l’honneur

Le thé se consommerait de manière plus curieuse, voire experte, selon Diane Blanch, directrice du restaurant Anne-Sophie Pic au Beau-Rivage Palace, à Lausanne et sommelière multi-récompensée. «A Lausanne, nous offrons une dizaine de variétés sélectionnées par la sommelière en thés Sujin Lee dans les jardins du Japon et de Corée, qui évoluent avec la saison pour suivre et sublimer nos plats», explique-t-elle.


Davantage d’informations:

chanoyu-tea.ch/fr

tearepertoire.com/fr