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Les rouges nature imposent leur vivacité avec humour

A Zurich, 30 producteurs présentaient leurs vins sans ajout externe. Entre signatures de vignerons reconnus pour l’ensemble de leur gamme et aventuriers de la saveur, le cœur du dégustateur balance.

Le quatrième festival de l’Association Suisse Vin Nature (ASVN) a connu, cet été, à Zurich un joli succès. Avec la présence de 30 vignerons, qui acceptent la prise de risque en vigne et en cave, mais dont seuls dix d’entre eux travaillent uniquement sur une gamme nature. Une affluence de plus de 500 visiteurs, dont de nombreux professionnels, montre la demande croissante du public pour ce travail.

Des assemblages prometteurs

La série de vins rouges présentés a semblé montrer son incroyable potentiel sur des vins certifiés Bio ou même Demeter, vinifiés sans sulfites ou autre ajout externe. Frank Sieffert, président de l’ASVN, l’explique ainsi: «Les anthocyanes, les tanins et tous les autres agents protecteurs ainsi que la macération protègent des oxygénations en cave. Alors qu’avec les blancs, il reste parfois des problèmes de goût de souris au moment de l’ouverture de la bouteille, mais qui disparaissent ensuite. On travaille avec la Haute école de Changins sur le sujet.»

Cette année, les gamays sortent du lot. Leurs noms annoncent déjà la couleur. Ils optent pour l’humour, comme le Grand-Papa ou à l’inverse le Gamin, voire osent le Chaud du Coin. On commence par une appellation plus technique, Parcelle 982, pour le Domaine de la Ville de Morges, millésime 2022. Des tanins souples, une jolie bouche de groseille, un vin direct, franc. Le Grand-Papa, issu d’une vigne plantée en 1957 et vinifiée par le petit-fils Fabien Vallélian, toujours à Lavaux, valorise parfaitement l’acidité du cépage, avec ce plaisir immédiat de glouglou et une bouche ample de mûre. Encore moins de fioriture dans le simple nom de Gamay pour le domaine de la Devinière, à Satigny, Genève, surprenants arômes de poire, pour un vin très droit, dont on aime la lenteur sur les papilles. A La Sauvagerie, à Bonvillars, on opte pour le Gamin entièrement vinifié en cuve, plus pour le côté gourmand du cépage, presque canaille, avec des effluves de rhubarbe. On comprend quelques vins nature en dépassant l’agressivité du nez comme le Chaud du Coin du Domaine de la Mermière, à Soral, Genève, sa bouche tout en souplesse et en fruité qui séduit seulement dans un deuxième temps, avec un étonnant final sur la réglisse.

Les visiteurs de la quatrième édition du festival zurichois ont pu déguster une centaine de crus. (Magali Grosclaude)

Les assemblages pinot noir et gamay se développent également. Celui de la Sauvagerie, à Bonvillars joue bien sur le côté équilibré élégant du pinot, pour finir plus clairement par le jus plus ample du gamay. Quant à Marie-Thérèse Chappaz, la prestigieuse vigneronne de Fully s’aventure en Nature sur des assemblages très souples en bouche, avec des arômes intacts de framboises en 2022 et encore plus délicat, on touche à la dentelle, en 2023.

Nectar complexe sans pareil

Que recherche-t-on quand on déguste du vin nature? Veut-on retrouver la trame, la signature d’un producteur qu’on aime ou préfère-t-on l’aventure d’un nouveau liquide, d’une expérience inédite? Le travail sur le pinot noir permet le débat: celui d’Aime Terre de Javet & Javet 2022 fait la synthèse des deux écoles. Il respecte le cépage, mais l’amène dans une dimension plus fumée et onctueuse, avec cette bouche ample de confiture de framboise. Alors que ceux qui recherchent plus clairement la délicatesse, un parfum de mûre et une jolie amertume finale iront dans le Vully toujours, vers le Noirien du Cru de l’Hôpital, de Christian Vessaz. Mais si vous voulez foncer vers la nouveauté, il faut tenter les effluves de cuir, l’intensité et l’amertume finale du pinot noir Ufbruch, de la cave Le Murmure, dans le canton de Berne.


Une qualité générale toujours plus homogène, parmi les vins proposés


Tous les vins présentés jusque-là perpétuent une tradition et retrouvent la pureté des terroirs d’antan. Mais certains osent l’aventure dans des saveurs plus folles et s’amusent. La plus grande réussite dans ce domaine reste depuis longtemps Anne-Sombre, d’Anne-Claire Schott, sur le lac de Bienne, qui se permet un gamaret diolinoir où elle ne craint pas d’ajouter un gewürztraminer en barrique d’une autre région et d’un autre producteur, en l’occurrence celui de Christian Vessaz. Sur le millésime 2022, cela donne un nectar complexe à nulle autre pareil avec des arômes profonds de chocolat noir et de myrtille, avec une très belle amertume qui pourrait à l’aveugle faire penser à certains grands sangiovese.

Et pour finir quelques Pet’Nat qui se démarquent. Le brut sans nom 2022 cabernet jura d’Aurèle Morf, à Moutier, s’inscrit dans une tendance radicale avec une bouche ample de cassis et une puissance qui fait penser à du rock que l’on écoute fort. Les vins nature ne craignent pas non plus la tempête de la renommée comme ce Trempête numéro 2 2023 un muscat macération de la cave du Chambet à Gy qui exhale de larges arômes de lavande. L’univers du nature réserve encore de belles surprises.

(Alexandre Caldara)


Davantage d’informations:

vin-nature.ch