Le secteur d’activité s’est remis des années covid: les clients sont là. Mais le personnel manque. Pour le secrétaire général de Hotel & Gastro Union, la faute en incombe à la branche elle-même.
Urs Masshardt, quel est le bilan de l’année 2023 pour Hotel & Gastro Union (HGU)?
Il est excellent. Le nombre de nos membres a sensiblement augmenté et nous avons davantage de poids politique. Cela va de pair puisque, plus nous avons de membres, plus nous pouvons peser. Nous avons aussi gagné en notoriété; le grand public nous perçoit désormais comme une organisation puissante, prête à négocier et qui propose des solutions.
Comment expliquez-vous cela?
Le succès de notre pétition «Ensemble contre la pénurie de personnel» y est pour beaucoup. Nous avons remis plus de 20 200 signatures à Gastrosuisse, le but étant de faire en sorte que les employeurs reviennent à la table des négociations de la convention collective nationale de travail (CCNT). Cette initiative a réveillé les salariés, qu’ils soient membres de HGU ou non. Elle leur a prouvé qu’ensemble, nous sommes forts et que, si nous voulons que les choses changent, chacun d’entre nous doit s’engager.
Ces négociations vont-elles maintenant reprendre?
Elles reprendront seulement si, au printemps, lors de leur prochaine assemblée, les délégués de Gastrosuisse décident de lever le blocage de ces négociations.
Pourquoi la reprise de ces négociations et l’élaboration d’une nouvelle CCNT sont-elles si importantes?
Du point de vue du recrutement, notamment celui des jeunes, notre branche est directement concurrencée par les autres. Les entreprises de transports publics et la police tentent par exemple d’attirer nos salariés. Si elles devaient y parvenir, cela affaiblirait considérablement l’hôtellerie-restauration. En outre, dans notre secteur, le nombre d’apprentis a diminué de 40 % en dix ans, sans compter qu’un tiers d’entre eux savent dès leur deuxième année de formation qu’ils changeront de branche. Il va sans dire que cette situation est catastrophique. Pour y remédier, nous devons devenir meilleurs que les autres branches, ce qui passe nécessairement par l’élaboration d’une CCNT plus actuelle et offrant de meilleures conditions.
Vous avez affirmé un jour que la branche est elle-même responsable de la pénurie de personnel qualifié. Que vouliez-vous dire?
Il y a dix ans, nous aurions déjà dû savoir que nous allions manquer d’apprentis, d’une part en raison de l’évolution démographique, et, d’autre part, parce que les salariés étaient déjà nombreux à quitter l’hôtellerie-restauration pour se reconvertir. Mais au lieu de leur proposer de meilleures conditions d’embauche et de rendre leur métier plus intéressant et plus lucratif, nous les avons simplement remplacés par des personnes d’origine étrangère. Or, désormais, cela ne suffit plus.
Personne n’a tiré la sonnette d’alarme?
Hotel & Gastro Union essaie depuis de longues années de sensibiliser tous les acteurs concernés et de proposer des solutions. Nous le faisons notamment par le biais du manifeste qui détaille nos revendications, que l’on peut consulter sur notre site Internet. Mais seuls les employeurs et les organisations patronales ont le pouvoir de changer les choses.
Vous avez sûrement des suggestions à leur soumettre?
Nous devons tout faire pour que nos salariés aient envie de rester dans notre branche. Il faut donc qu’ils touchent un salaire suffisant pour vivre correctement, que leur travail soit reconnu et qu’ils puissent évoluer au sein de la profession. Il est vrai que, pour les petits établissements, il est difficile de planifier la carrière de chacun de leurs employés. Mais les grosses entreprises et les chaînes devraient absolument le faire. Par ailleurs, je pense que les apprentis devraient être intégrés à la CCNT. Les 2500 francs qu’ils dépensent en moyenne pour leur ordinateur portable, leurs livres et leurs logiciels pourraient dès lors être financés par la CCNT. D’une manière générale, nous devons éviter de gâcher la chance que nous offre le financement des formations par la CCNT.
Pourtant, à partir de 2024, les formations continues ne seront plus toutes subventionnées.
Oui, et je le regrette beaucoup. Ce faisant, nous scions la branche sur laquelle nous sommes assis. Une augmentation des contributions aux frais d’exécution de seulement 10 francs par personne générerait deux millions de francs supplémentaires pour le fonds de formation, ce qui serait une très bonne chose. Je trouve aussi que la répartition prévue pour 2024 est injuste. Aujourd’hui, les contributions aux frais d’exécution sont payées à 80 % par les salariés. Elles devraient donc financer des formations pour les salariés et non pas, comme cela est prévu, des cours pour les employeurs.
(rif/bde)
Directeur de Hotel & Gastro Union depuis 17 ans, Urs Masshardt est aussi président du conseil de fondation de l’École hôtelière suisse de Lucerne (SHL), président du conseil d’administration de l’Art Deco Hotel Montana à Lucerne et vice-président de Travail Suisse.