Les deux nouveaux visages de la section suisse du réseau mondial du goût sont aussi complémentaires que déterminées à agir.
Lors d’un congrès placé sous le signe de la «Régénération», le 21 mai à Lindau (ZH), Toya Bezzola et Laura Rod se sont exprimées ensemble à tour de rôle. Elles ont souligné l’urgence climatique, les systèmes alimentaires étant à l’origine d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre, ainsi que d’autres enjeux cruciaux tels la lutte contre le gaspillage et l’injustice sociale, qui concernent chacun individuellement et non quelque abstraction collective. Sans oublier le droit à une juste rémunération pour les producteurs et l’accès à l’eau et à l’alimentation.
Cette stratégie devrait se traduire par davantage de visibilité et une communication plus intense, notamment sur les réseaux sociaux, un accent sur l’éducation et la sensibilisation, l’engagement politique et la mise en réseau autour de valeurs communes. Le slogan de manger «bon, propre et juste» s’incarnera donc de manière déterminée et plus militante que jamais, si l’on en croit le duo, qui n’a pas oublié la revendication, d’hier et de toujours, du plaisir de manger.
A entendre les nouvelles présidentes, leur intention d’en finir avec l’image très «bobo» de Slow Food semble claire, celle d’une association réservée à un groupe de privilégiés hédonistes. La priorité sera donnée, selon Toya et Laura, à l’engagement et à l’inclusion.
Sur un plan plus personnel, on apprend à connaître deux jeunes femmes cosmopolites et passionnées, au dynamisme impressionnant. Bernoise installée à Zurich, passionnée par la nouvelle cuisine nordique et le tourisme gastronomique, Toya a travaillé deux ans au Noma, à Copenhague, où nous l’avions rencontrée (voir HGH n° 9/2017).
British pur sucre née à Lausanne avec une touche d’accent vaudois, Laura est de son côté enseignante pour Hotel et Gastro Formation, membre de la Société suisse des cuisiniers et la première Vaudoise à avoir décroché le diplôme fédéral de cheffe de cuisine. Cheffe d’entreprise, prof et mère de deux filles, elle est musicienne et chanteuse dans un groupe de rock metal. Laura et Toya ont vécu une rencontre, via Slow Food, en forme de coup de foudre amical.
La «Régénération» qu’elles incarnent se traduit aussi par un changement de générations et de vision, moins d’un an après la crise qui avait secoué l’association et soulevé de nombreuses interrogations. Pour rappel, on avait appris l’été dernier le départ abrupt, avec effet immédiat, des deux coprésidents Irène Kaelin et Josef Zizyadis, et celui, annoncé, du directeur Alexandre Fricker. Un manque de transparence quant à la gouvernance de l’association et des divergences de vision stratégique ont alors été évoqués. L’association a traversé une période houleuse, avec d’autres départs dans l’entourage des anciens responsables, mais ressort de la crise avec de nouveaux statuts et une nouvelle commission de gestion – l’intérim ayant été assuré pour l’essentiel par la directrice Tabea Diener.
La section suisse de Slow Food est une émanation de Slow Food International, mouvement créé à Rome en 1986 par un groupe d’intellectuels épicuriens emmenés par Carlo Petrini, A l’origine, la revendication première est au plaisir et à la lenteur, aux antipodes de la macdoïsation du monde. Trente-six ans plus tard, Slow Food est le plus vaste réseau mondial du goût, avec quelque 100 000 membres dans 160 pays, un million d’individus issus des communautés de Terra Madre.
(Véronique Zbinden)