Produit à près de 2500 m d’altitude au pied de l’Himalaya par le géant LVMH, le vin Ao Yun – «voler au-dessus des nuages» en chinois – est distribué aux quatre coins du monde.
LVMH a mandaté un expert australien, Tony Jordan, en 2008 pour trouver le meilleur lieu pour produire un grand vin en Chine. Il a consacré quatre ans à parcourir les grandes régions viticoles chinoises et se convaincre qu’à 95%, elles ne permettent pas de produire de grands vins. Puis il a découvert, à 20 km de la frontière avec le Tibet, dans la région de Shangri-La, dans le Yunnan (sud-ouest de la Chine), aux sources du Mékong, ce microclimat et ces arpents de vignes.
«Cette région montagneuse ne compte encore que 500 hectares de vignoble, mais est appelée à se développer», raconte Maxence Dulou, à la fois œnologue et agronome. «Fils de maraîcher, je suis passionné par tout ce qui pousse, raisins ou tomates. Là-haut, dans quatres villages entre 2200 et 2600 m d’altitude, ce sont 150 familles qui vivent du raisin. Nous avons un contrat de culture avec chacune d’elle. Et, chaque semaine, je fais la tournée des 28 ha, répartis en 300 parcelles, de véritables jardins en terrasses.
J’apprends tous les jours, à toutes les étapes, toutes manuelles, et en bio, avec juste un peu de cuivre, de soufre et de compost local.»Arrivé en 2012, Maxence Dulou a pris en charge le vignoble et la cave. La moitié des vignes, en cabernet sauvignon, avec un peu de cabernet franc, avaient été plantées en pied franc au début des années 2000, avant l’arrivée de LVMH, puis, l’an passé, une autre moitié, sur porte-greffe cette fois-ci, pour éviter le risque du phylloxéra, en divers cépages rouges (merlot, petit verdot, malbec et cabernet franc). «L’avantage de cette région en haute altitude, au pied de l’Himalaya, c’est une quantité de précipitations égales à Bordeaux, comme les températures et leur écart jour-nuit, et donc pas de nécessité de buter (recouvrir de terre) les vignes en hiver comme partout ailleurs en Chine.
Nous avons des automnes secs, avec un rayonnement UV plus important qu’en plaine, même si l’ombre portée des montagnes limite l’ensoleillement dans les vallées encaissées», détaille le jeune professionnel établi à Shangri-La (70 000 habitants), dont le plus fameux temple ressemble à l’architecture du Potala de Lhassa, avec sa femme chilienne et ses deux enfants de 5 et 7 ans, scolarisés en chinois. Ce vin de haute altitude – qui rappelle que le Bernois Donald Hess avait fait de même en Argentine! – tire sa richesse de fruit et d’alcool (15%) d’une très lente maturation (jusqu’à 160 jours contre 110 à Bordeaux): «En 2016, on a fini les vendanges le 9 novembre.» Le 2013, premier millésime de l’aventure, offre un nez fumé, des arômes de cabernet sauvignon bien mûr, avec une touche de cassis, une attaque souple, sur beaucoup de gras, et des tanins suaves, avec une note finale de café et de chocolat.
Un contingent limité en Suisse
D’emblée, Ao Yun se place dans le peloton de tête des vins chinois. Son volume (24 000 bouteilles), son assemblage (avec l’entrée en production des nouveaux cépages), et son élevage vont encore évoluer. Le 2013 a été élevé 12 mois en fûts de chêne français, neufs à hauteur de 40%. Désormais, la règle qui prévaut, c’est 50% de fûts neufs et une moitié en jarres de terre chinoises (utilisées pour l’alcool blanc très populaire, le baiju), puis harmonisé en fûts pour la deuxième année d’élevage. «On pensait vendre à 80% en Chine et 20% à l’export. Avec les mesures prises par le pouvoir chinois (contre les signes ostentatoires et les cadeaux, ndlr), c’est l’inverse!», constate l’œnologue. Présenté à Hong-Kong, Ao Yun a déjà fait le buzz en Asie. La Suisse devra se contenter d’un contingent de 500 bouteilles: un gros client en a acheté à lui seul 250. Et les 250 restantes sont réparties entre quelques grands restaurants. Le prix public a été fixé à 329 francs suisses la bouteille. Avant les mesures gouvernementales, plusieurs «grands» vins chinois affichaient un prix souvent supérieur à cette somme, qui le place d’emblée dans la moyenne décennale des premiers crus classés du Bordelais. Pierre Thomas
Davantage d’informations:
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