La cuisine d’entraînement dans laquelle Christoph Hunziker se prépare au Bocuse d’Or 2023 porte désormais le nom du chef de cuisine à l’origine de l’Académie culinaire suisse fondée en 2007.
Dans le hameau de Schüpfen (BE), l’esprit de Philippe Rochat planait le 5 juillet dernier au moment de présenter officiellement la cuisine d’entraînement rebaptisée à son nom. C’est ce qu’a dit avec des mots simples et touchants Laurence Rochat, compagne du chef décédé tragiquement le 8 juillet 2015, et c’est aussi ce qu’ont pu ressentir les personnes réunies pour l’occasion dans le fief de Christoph Hunziker et de sa commise Celine Maier, parmi lesquelles figurait notamment la sœur du natif de la Vallée de Joux, Anne-Marie Débieux-Rochat.
«En tant qu’ancienne sportive de haut niveau, je sais qu’il n’y a pas de succès sans entraînement, et je sais aussi que Philippe était très attaché à la notion de partage et de transmission du savoir. Le fait que cette cuisine porte désormais son nom fait donc sens et revêt une signification particulière», a confié Laurence Rochat.
Pour l’Académie culinaire suisse, dont Franck Giovannini assure la présidence, l’hommage à Philippe Rochat est d’abord une manière de saluer son engagement vis-à-vis des finalistes helvétiques au Bocuse d’Or. Son soutien, on s’en rappelle, débute en 2001 par un coup de gueule dans la presse, quand il critique le manque de soutien aux participants du concours créé par Paul Bocuse en 1987, et auquel la Suisse a toujours été représentée en finale, de Hans-Peter Solternmann en 1987 à Ale Mordasini en 2021. Puis l’engagement de Philippe Rochat prend une forme concrète lorsqu’il fonde, l’année du Bocuse de Bronze de Franck Giovannini, l’Académie culinaire suisse avec un groupe de cuisiniers renommés, dont Armin Fuchs.
C’est en 2007 aussi que Philippe Rochat et Peter Geiser lancent l’idée d’une cuisine d’entraînement offrant une configuration similaire à celle du box lyonnais. «Sous l’impulsion de Philippe, Peter et moi sommes partis en Norvège pour faire des repérages et comprendre comment les Scandinaves soutenaient leurs candidats. Nous sommes revenus avec beaucoup de photos et de grandes ambitions, mais le projet est tombé à l’eau», a rappelé Lucien Mosimann, coordinateur au sein de l’Académie culinaire suisse. Ce n’est qu’en 2020 que l’idée ressurgit. A cette époque, Ale Mordasini trouve un local à proximité de Regensberg, où il est chef de cuisine à l’hôtel-restaurant Krone, afin de s’entraîner avec son commis Manuel Hofer. Pour équiper sa structure, il demande le soutien de l’Académie culinaire suisse. Cette dernière voit l’idée d’un bon œil, encouragée qu’elle est par l’expérience de Mario Garcia, cinquième en 2019, qui s’était préparé l’année précédente dans un espace dédié financé par des sponsors privés. Mais la pandémie de coronavirus, qui contraint les organisateurs à repousser à plusieurs reprises la finale européenne, change la donne. Les partenaires de l’Académie culinaire suisse mettent leur soutien en pause et la structure se retrouve à court de liquidités.
C’est là qu’intervient Peter Geiser, ancien propriétaire de la maison Kadi, qui accorde un prêt sans intérêt (depuis transformé en don) à l’institution dont il croit à la mission pédagogique. Son coup de pouce crée les conditions nécessaires à la création d’une cuisine d’entraînement pérenne et mobile, car destinée à s’implanter près du lieu de travail du ou de la finaliste suisse. Avant la sélection européenne de Budapest ce printemps, Christoph Hunziker et Celine Maier se sont entraînés une quinzaine de fois sous l’œil de Dominic Bucher, qui s’est demandé lors de son allocution s’il aurait réalisé en 2005 une meilleure performance grâce à cet outil. «Non, car mon talent a ses limites, mais c’est un formidable atout pour les candidats», a répondu avec humour le coach.
La suite? Christoph Hunziker et son épouse Sarah ont prévu quelques jours de vacances en Norvège – «en pleine nature, pas dans les restaurants étoilés», assure le Bernois –, et, une fois la finale des Amériques bouclée, le thème sera dévoilé et l’entraînement reprendra. Sous l’œil bienveillant d’un ange gardien nommé Philippe Rochat.
(Patrick Claudet)
Fondée en 2007 par Philippe Rochat, l’Académie culinaire suisse (autrefois Académie suisse du Bocuse d’Or) a pour but de promouvoir le concours créé par Paul Bocuse et d’en organiser la sélection suisse. Elle accompagne aussi les candidats helvétiques durant la phase de concours, tout en cherchant à transmettre ses valeurs et son savoir-faire à la relève. L’Académie culinaire suisse est présidée par Franck Giovannini.
