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Carnet noir: Jean-Denis Perrochet, vigneron-encaveur créateur d’émois

Hommage à l’âme de La Maison Carrée, à Auvernier, militant de la biodynamie, qui vient de disparaître.

En apprenant la disparition soudaine du Neuchâtelois Jean-Denis Perrochet, dimanche 17 novembre, à l’âge de 63 ans, d’un malaise cardiaque lors d’une sortie en vélo, la boîte à souvenirs s’enclenche. Et ce au son de l’antique pressoir en bois, marque de fabrique du domaine d’Auvernier, créé par la famille Perrochet en 1827 et produisant des vins d’exception sur six générations. Jean-Denis Perrochet exerçait la profession de «vigneron-encaveur». Il tenait farouchement à ce terme: «Il signifie que nos connaissances techniques tant viticoles qu’œnologiques nous permettent d’élever des vins de A à Z dans nos caves.»

Défense d’un produit naturel

A l’adolescence, nous découvrons les chasselas sur lies non filtrés de la Maison Carrée, élégants, racés, si différents de l’ensemble de la production locale. Cela va orienter toute notre manière de déguster un vin. Plus tard, à l’école du vin à Changins, à l’aveugle, on sera subjugué par un pinot noir d’Hauterive, sur un sol argilo-sableux, à première vue plus austère que l’immédiatement fruité Auvernier, mais merveilleusement équilibré. A l’association la Mémoire des vins suisses, la présence de Jean-Denis Perrochet ne passait pas inaperçue. Le journaliste Ulrich Schweizer lui disait: «Quand je te vois je pense à l’expression les pieds sur terre.» Il répondait pince sans-rire: «Je préférais les pieds dans la terre.» Il rappelait sans cesse cette maxime essentielle: «Le vin reste un produit naturel, il naît à la vigne. L’œnologue n’est ni alchimiste, ni magicien. Nous savons que la qualité de nos vins se joue à plus de 70 % dans les vignes.»

Jean-Denis Perrochet était attaché au terme de «vigneron-encaveur». (Susi Lindig)

Un infatigable militant

En pragmatique homme de la terre, il a commencé à observer la biodynamie en 2001 en Bourgogne et entrepris ses premiers essais sur ses vignes en 2003. Puis, dès 2013, il passe l’entier du domaine en biodynamie et devient même un infatigable militant de la cause. Il devient l’un des plus grands défenseurs de l’initiative «Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse», en 2021. Sa femme Christine disait: «Voilà assurément le combat de sa vie.» Lui qui participait relativement peu aux concours avait accueilli avec fierté le titre de Vigneron Bio de l’année en 2016.

Véritable homme d’apaisement, Jean-Denis Perrochet savait aussi calmer les assemblées les plus houleuses, comme cette année lors de l’élection du nouveau comité de la Mémoire des vins suisses et de la succession d’une autre grande figure du vin, son fondateur Andreas Keller: «Il faut savoir quitter le navire au bon moment. Mon propre père a mis beaucoup de temps à me faire confiance avant de reprendre le domaine. Voilà pourquoi nous mettons tout en œuvre pour que la succession avec notre fils Alexandre se déroule dans les meilleures conditions. La Mémoire doit en faire de même.»


«Le vin reste un produit naturel, il naît à la vigne»

Jean-Denis Perrochet, vigneron-encaveur


On sait que Jean-Denis Perrochet adorait se ressourcer lors de longues marches en montagne avec ses amis du Club Alpin. A tout ceux qui voudraient comprendre la douceur, la force et l’intensité de Jean-Denis Perrochet, on ne peut que conseiller de déguster, très lentement, son flétri de chardonnay et de pinot gris. Elaboré, comme un vin de paille dans le grenier de sa maison, trois au quatre mois, car il jugeait cette méthode de concentration naturelle, la plus adaptée au climat de sa région. Son flétri lui ressemble, il faut prendre le temps de le comprendre, de le savourer pour que jaillissent ses notes précises d’abricots séchés et de mangue fraîche qui font dresser les poils sur le bras.

(Alexandre Caldara)


Davantage d’informations:

lamaisoncarree.ch