Après une expérience professionnelle de deux ans à Saint-Barthélemy et en Martinique, la Vaudoise Elodie Schenk a rejoint les frères Brocard à Prangins.
L’éternel été des Antilles françaises a ses charmes, mais Elodie Schenk a retrouvé avec un certain bonheur le climat de sa région natale, La Côte, et par la même occasion sa famille et ses amis. Pour elle qui officie depuis une dizaine de jours à l’Auberge communale de Prangins, l’établissement repris il y a un an par Christopher et Julien Brocard dans le foulée du Café de l’Union à Crans-près-Céligny, le retour aux sources est d’autant plus savoureux qu’elle occupe son premier poste de cheffe de cuisine. Certes, elle travaille en étroite collaboration avec Christopher Brocard qui signe la carte des deux restaurants, mais elle dispose d’une grande liberté dans l’organisation de son travail. D’où le sentiment d’entamer, à 28 ans, une nouvelle étape d’un parcours professionnel placé dès le départ sous les meilleurs auspices.
Meilleure apprentie vaudoise à l’issue de sa formation initiale de cuisinière, la native de Gland enchaîne avec un apprentissage en boulangerie-pâtisserie-confiserie chez Frédéric Ducret à Genève, qu’elle termine avec le titre de meilleure apprentie genevoise. L’aisance dont elle fait preuve dans les deux disciplines tient à la passion qu’elle nourrit aussi bien pour la cuisine que la pâtisserie, et ce même si sa famille ne compte aucun pâtissier ni cuisinier. «J’ai commencé à m’intéresser à la cuisine à l’école, où j’ai suivi mes premiers cours, mais c’est surtout en voyageant avec mes parents que la passion est née», relève la Vaudoise. Un voyage pas comme les autres, la famille ayant embarqué sur un voilier pendant six mois pour mettre le cap sur la Polynésie et les caraïbes, avant de visiter la Thaïlande, Bali, les États-Unis et l’Afrique, où la future cheffe découvre de nouveaux produits avec lesquels elle se familiarise.
Elle enchaîne ensuite les postes dans plusieurs établissements de renom, dont L’Auberge du Soleil à Bursins où elle est pâtissière-confiseuse au sein de l’équipe de Jean-Michel Colin, La Table d’Edgard où elle est commis et aux Trois Couronnes à Vevey dont elle s’occupe de la clientèle VIP. Mais son expérience professionnelle la plus marquante est sa participation à la Sélection suisse du Bocuse d’Or en 2014. «J’avais déjà remporté le Championnat suisse des apprentis cuisiniers en 2008, puis décroché une troisième place au Championnat européen l’année suivante, avant de participer en 2010 à la San Pellegrino Cooking Cup à Venise. Quand on m’a contacté en vue du Bocuse d’Or, j’ai toutefois compris que je passais dans la catégorie supérieure et je me suis sentie à la fois honorée et terrifiée.»
Elle l’est d’ailleurs tellement qu’elle commence par décliner l’invitation à déposer un dossier. Avant de se raviser en raison des encouragements qu’elle reçoit de plusieurs grands chefs, dont le regretté Philippe Rochat.
Elle démarre la préparation du Bocuse d’Or alors qu’elle est en poste à Crans-Montana, mais les exigences de la tâche s’accordent mal avec ses conditions de travail au restaurant Le Mont Blanc. Elle retourne alors auprès de son coach de toujours, Jean-Michel Colin, avec qui elle avait déjà préparé la San Pellegrino Cooking Cup dont l’épreuve avait eu lieu sur un violier, et qui l’intègre de nouveau dans sa brigade. Le jour J, elle réalise une excellente performance face au public qui l’encourage et termine au deuxième rang du concours suisse, ratant de peu la sélection pour la finale européenne. La déception est énorme, mais les mots encourageants du prestigieux jury de dégustation lui font pleinement réaliser la qualité de son travail et la richesse de l’expérience.
Alors qu’elle songe un temps à tenter une nouvelle fois sa chance au Bocuse d’Or, elle opte pour un séjour linguistique de longue durée. «Pendant le concours, j’ai travaillé avec un second commis – imposé d’office – qui ne parlait pas un mot de français. Je me suis rendue compte de l’importance des langues et je suis partie six mois à Miami. Là, j’ai privilégié une formule intensive, qui, en comparaison du rythme en cuisine, me semblait bien tranquille», sourit-elle. Sur place, elle cherche un emploi mais bute contre l’impossibilité de décrocher un visa de travail aux Etats-Unis. A son retour en Suisse, elle commence à travailler au Café de l’Union, chez les frères Brocard déjà, jusqu’à ce qu’elle ne reçoive une offre pour un poste de chef de partie à l’hôtel Le Christopher à Saint-Barthélemy.
A l’issue de son contrat d’une année, elle prolonge son séjour dans les Antilles françaises et travaille dans plusieurs établissements de Martinique. Une expérience qui tourne mal quand elle se heurte à la réticence des cuisiniers masculins à travailler sous ses ordres, et qu’elle doit batailler ferme pour être payée. «Livrée à moi-même, désemparée, j’ai dû me battre seule dans un contexte hostile. Travailler à l’étranger est une expérience enrichissante, à condition d’être un tant soit peu épaulée. D’où l’intérêt du programme Ambassadeurs de la Société suisse des cuisiniers, qui permet à des jeunes de partir dans les meilleures conditions. C’est aussi pourquoi je suis membre de Hotel & Gastro Union, sur laquelle je sais que je peux compter pour faire respecter mes droits en cas de problèmes», conclut Elodie Schenk.
Patrick Claudet
Attentive à la relève