Avec des slogans tels que «Plus on est de choux plus on rit» ou «Epluche si affinités», le mouvement des Disco Soupes mobilise contre le gaspillage alimentaire. Un mouvement planétaire qui passe par Lausanne en avril.
Près de 30% des aliments jetés d’un bout à l’autre de la chaîne alimentaire, soit 1,3 milliard de tonne de denrées, selon les chiffres de la FAO – de quoi nourrir 9 milliards d’êtres humains avec ce que l’on produit aujourd’hui. A l’échelle suisse, l’agriculture, les transports, l’industrie et le commerce contribuent à ce gâchis à raison de 200 kg par habitant. Au niveau des ménages, on jette jusqu’à 100 kg de denrées par an et par tête, selon la FRC qui a fait de la lutte anti-gaspi l’un de ses chevaux de bataille.
Nous autres consommateurs sommes responsables d’achats compulsifs et d’une mauvaise estimation de nos besoins, manquons d’idées pour apprêter les restes, interprétons mal les dates limites, note l’association. Battre sa coulpe n’a hélas aucun impact et de nombreuses initiatives citoyennes ont émergé ces dernières années afin de combattre ce fameux gâchis. Parmi les plus originales et assurément les plus conviviales, le mouvement des Disco Soupes trouve son origine à Berlin en 2012 sous le nom de Schnippel Disko.
Le concept? Valoriser les surplus alimentaires en cuisinant collectivement, en musique et dans une bonne ambiance. La même année, Paris se mobilise autour d’une soupe géante à la Bastille: 1,5 tonne de légumes destinés à la poubelle sont convertis en minestrone grâce à la belle énergie d’une poignée de jeunes qui interpellent les passants. De là, la manif bon enfant se dote d’une communication à «l’humour potage» – portée par les réseaux sociaux et dopée par des slogans style «Plus on est de choux plus on rit» ou «Epluche si affinités» – essaimant un peu partout en France (Rennes, Nantes, Marseille, Toulouse, etc.) et au-delà. A Berlin, désormais annuelle, la manifestation draine entre 15’000 et 30’000 participants.
Un militantisme déluré, efficace et malin, qui a conquis la planète en quelques années. Plusieurs villes suisses se sont lancées depuis 2013, de Neuchâtel à Berne et à Genève, émanant de divers groupes et selon des modalités différentes. A Lausanne, une poignée d’étudiants issus de Slow Food Youth ont concocté la première Disco Soupe en 2014; l’an dernier, elle a réuni 450 à 500 personnes en musique, dans le quartier du Flon, autour de légumes offerts par les maraîchers. A Neuchâtel, un collectif estudiantin a lancé la sienne en 2013. L’idée de départ – récupérer et redistribuer de la nourriture parmi les étudiants, souvent en situation précaire – lui a valu le Prix du développement durable de la Conférence universitaire suisse. La quatrième Disco Soupe lausannoise aura lieu le 26 avril prochain.
Trois jours avant la World Disco Soup agendée le 29. Pourquoi ce décalage? Un simple accident de calendrier, relève Timothée Olivier, un des organisateurs: «La Place de l’Europe, au Flon, n’était plus disponible ce jour-là et nous voulions être assurés d’avoir suffisamment de place.» Raison supplémentaire, la manifestation entend cette année s’adresser tout particulièrement aux plus jeunes, enfants, ados, écoles, familles – raison pour laquelle le mercredi après-midi est apparu comme un bon choix. «Un tiers de la nourriture produite en Suisse est gaspillé sur le lieu de production, au moment du transport, de la vente ou par le consommateur lui-même», s’indigne Thomas Fassnacht, un des bénévoles du collectif d’organisation, réunissant Slow Food Youth et Unipoly notamment.
Autre chiffre choc: «On jette chaque année plus d’un milliard de tonnes d’aliments, à l’échelle de la planète, alors que 17% de la population mondiale ne mangent pas à leur faim…»
Matériel didactique avec solutions contre le gaspillage
A l’initiative de Slow Food Youth, la manifestation a désormais une ampleur mondiale: plus de trente pays participeront cette année, du Brésil à la Corée et de la Tanzanie à l’Iran. Elle se veut militante mais aussi gastronomique, culturelle, sociale. Chacun peut du reste créer sa propre «Rave Party», un guide pratique ayant été édité pour toucher le plus grand nombre. L’expérience de cette convivialité ludique et débridée a du reste engendré d’autres recettes: après les méga minestrones, les Disco Salades et les Disco Smoothies ont suivi sur le même modèle. Autant de manière de «redécouvrir le plaisir de cuisiner ensemble, tout en interrogeant le système et les pratiques liées à notre alimentation».
Cette année, les ingrédients de la mégasoupe lausannoise proviendront pour l’essentiel des entrepôts des grandes surfaces: «Un des deux géants de la grande distribution nous donne ses invendus durant les deux jours précédant la Disco Soupe», précise Thomas Fassnacht. Le 26 avril, de grandes tables seront réservées aux plus jeunes: «Nous collaborons avec plusieurs écoles et nous proposerons des activités et du matériel didactique, avec des solutions concrètes contre le gaspillage, le tout sur un mode ludique.» Et la musique? «Festive et gaie même si le programme définitif n’est pas arrêté.» Appel est aussi lancé à toutes les bonnes volontés. A Lausanne et sur la terre. Un cri de ralliement? «Yes we cut!»
Véronique Zbinden
Davantage d’informations:
<link http: www.discosoupe.org>www.discosoupe.org