La mise en débat public
Voici vingt ans éclatait la crise de la vache folle. Elle était suivie peu après par une réplique, puis par les épisodes de fièvre aphteuse porcine et de grippe aviaire, de listériose, d’intoxication aux graines germées et autres concombres, par le scandale autour des fameuses «lasagnes de cheval», enfin par l’étude récente de l’OMS mettant en évidence les liens entre consommation de viande et cancer. Vingt ans de crises à répétition et l’émergence de pathologies nouvelles – maladies à prions, grippe aviaire – touchant l’animal et susceptible de se transmettre à l’homme. Un contexte d’anxiété et de tension, avec des fronts qui se durcissent, la montée de mouvements «anti», faisant de l’alimentation «un nouveau champ de bataille».
C’est là l’un des termes forts utilisés dans l’étude «Inquiétudes» 2016, menée entre 2009 et 2016 sous la direction du sociologue Jean-Pierre Poulain, et qui analyse les inquiétudes croissantes des consommateurs et dresse une cartographie du niveau de confiance dans les aliments selon les catégories socio-professionnelles, le lieu, l’âge et le sexe, entre autres. Mis en cause fortement: le modèle de production agricole et le recours à la chimie et aux biotechnologies, l’industrialisation et l’ajout d’additifs et conservateurs, les filières de l’élevage.
Les peurs liées à notre nourriture ont pourtant toujours existé, seules la nature du questionnement et son intensité varient. Désormais la catégorie floue du «produit industriel» (plat cuisiné, aliment transformé, etc.), est celle qui suscite la plus forte anxiété. L’étude entend démonter la dynamique des crises à répétition et proposer des pistes pour retrouver la confiance. Entre les extrêmes, il y a un espace pour l’explication, le dialogue, la mise en débat public.