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Romain Paillereau, une inspiration nouvelle à la Pinte des Mossettes

Le jeune chef originaire du Périgord, marqué par Pic et Troisgros, s’est fait connaître à La Cène, à Fribourg, avant de se mettre au vert et de prendre de l’altitude.

Romain Paillereau qualifie volontiers sa cuisine d’intuitive. (DR)

Une fougère miniature. Ou peut-être un brin d’achillée millefeuille. C’est le logo qui figure sur la carte des Mossettes, l’emblème choisi par Romain Paillereau, le jeune chef installé au piano depuis à peine plus d’un an. Emblème logiquement végétal – on n’allait pas faire de l’auberge mythique de Judith Baumann une rôtisserie au beau milieu des alpages.

Enfant de la campagne, Romain Paillereau a grandi du côté de Bergerac, dans un patelin perdu du Périgord. Il n’a jamais recherché la ville et ses passages dans maints établissements réputés de Paris, Londres ou Los Angeles visaient avant tout à «apprendre les techniques» auprès des grands cuisiniers admirés. Un maximum de tables étoilées en un temps record, en commençant par les Baux de Provence (La Cabro d’Or), et en passant par le Beau-Rivage d’Anne-Sophie Pic et le Lancaster coaché par Michel Troisgros, pour ne retenir que les deux influences les plus marquantes.

Le tournant de 2016

Mais Romain a toujours su qu’il reviendrait à la terre, un jardin, des racines. Il rêvait de se mettre au vert, le voilà servi. «La toute première fois que je suis monté jusqu’ici, sourit le géant barbu, je me suis perdu: la route m’avait semblé interminable, je me suis dit, ça va pas le faire.» Des clients, qui savaient que le jeune chef de la Cène, à Fribourg, cherchait un lieu où s’installer à son compte, lui avaient suggéré d’aller faire un tour en Gruyère. Et puis quand il est enfin parvenu là, au bout de cette route romaine des cols, au-dessus de la Chartreuse de la Valsainte, devant la façade toute simple avec son marronnier, sa terrasse, qu’il a plongé les yeux dans le décor ivre de beauté des Mossettes, il a pensé: «C’est ici.»

C’était en 2016. Une année marquée par plusieurs distinctions et un succès vertigineux, une année étourdissante. «Ça a commencé par le titre de Découverte du Gault & Millau avec la note de 16/20, et ensuite il y a eu la première étoile Michelin, le tout à une semaine d’intervalle.»

Petit, il passait déjà tout son temps libre en cuisine. Le plat de son enfance? Le poulet rôti de sa maman: «Elle glissait des tartines rôties en dessous de la volaille pour recueillir le jus, je me souviens que c’est toujours ce qu’on mangeait en premier.» Bref une vocation précoce jamais questionnée pour le fils de parents antiquaires dans le Sud-Ouest. Au terme de son parcours exprès auprès de grandes figures de la gastronomie contemporaine, on sent la fringale de Romain à accéder aux sommets, une curiosité, un bonheur réél à définir et approfondir sa cuisine, sa signature, réinventer le lieu aussi. La prochaine saison, il le sait déjà, il ouvrira plus tôt et fermera plus tard. 

Démarche inédite aux Mossettes

C’est la première fois qu’un chef pratique aux Mossettes une cuisine aussi décalée par rapport à son environnement. C’est ainsi qu’il voyait les choses depuis le premier jour. Différente de celle qu’il pratiquait à La Cène. Parce que pour la première fois, il est désormais son propre patron et peut laisser aller sa créativité sans brides. Le vert du décor, le bois, le rustique et l’histoire du lieu. Des assiettes aux antipodes: ciselées, esthétisantes, voire pointillistes. Un contraste délibéré, il le voulait ainsi.

Romain qualifie volontiers sa cuisine d’intuitive. C’est lui qui passe commande à sa cueilleuse, au gré des inspirations, du menu qui change toutes les cinq semaines. Le polypode, par exemple: il voulait créer un plat en partant de ses arômes de réglisse. Il a imaginé un vrai-faux sandwich de brochet, polypode, suc d’arêtes, un duo vert et blanc aux saveurs concentrées, magnifique. Ajoutez à cela quelques touches et parfums qu’on retrouve désormais dans sa besace, un goût prononcé pour les agrumes, les infusions japonisantes. Et les desserts éblouissants signés par un jeune pâtissier passé notamment par Crissier, tel ce mariage de la fraise et du piment piquillo.

Aujourd’hui, Romain Paillereau s’est fondu dans le décor. Sa barbe d’ermite lui mange le visage, sa silhouette trapue d’armailli a arpenté les sentiers, exploré leurs recoins; la cueilleuse Françoise l’a initié aux secrets de l’oxalys et du fenouil sauvage, il a humé l’ail des ours, repéré le sureau et les orties, exploré et débroussaillé le jardin légué par Judith Baumann. Sitôt arrivé, il a reçu des mains de Jean-Bernard Fasel la recette du fameux vin d’aspérule. Comme un passage de témoin, un talisman, un philtre d’amour à offrir à une clientèle à reconquérir. Le charme ne sera pas rompu, les deux amis à l’origine de la Pinte mythique lui ont aussi, assurément, transmis le mode d’emploi.

(Véronique Zbinden)


Davantage d’informations:

www.lapintedesmossettes.ch