Le 18 juin, les Genevois voteront sur l’inscription du droit à l’alimentation dans la Constitution. Des experts ont ébauché les grandes lignes d’une possible loi d’application.
Siège du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et d’innombrables ONG à vocation humanitaire, Genève se dotera-t-elle bientôt d’un article pionnier sur le droit à l’alimentation? A l’origine d’un forum sur ce thème, le chef et entrepreneur Walter el Nagar veut y croire. Du 19 au 21 avril, son Refettorio a ainsi accueilli rue de Lyon une soixantaine d’experts issus des ONG, des secteurs agricole, politique et de la restauration, de l’action sociale et des droits humains. «Né d’un désir de participation démocratique et de l’opportunité unique de pouvoir contribuer à la nouvelle juridiction cantonale, le forum a été organisé par la fondation Mater, en collaboration avec l’ONG FIAN, la Fondation Pistoletto Cittadellarte ainsi que Social Gastronomy Movement et Global Shapers», deux communautés nées lors du Forum Economique mondial de 2018, explique Walter el Nagar.
De quoi s’agit-il? Le contexte politique et juridique, d’abord. Le droit à l’alimentation est inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, et dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966, ratifié par la Suisse en 1992. Un principe resté lettre morte à ce jour que le Grand Conseil a souhaité ancrer dans la Constitution, alors que la précarité alimentaire est de plus en plus manifeste dans le canton. Les Genevois se prononceront donc sur le principe le 18 juin prochain, après quoi le nouveau Conseil d’Etat fraîchement élu sera chargé d’élaborer la loi d’application.
Rassemblés en plusieurs groupes de travail, les spécialistes de divers horizons ont planché durant trois jours pour aboutir à la rédaction des cinq pages du «Manifeste pour le droit à l’alimentation». Ses grandes lignes? Eviter la faim en instaurant l’aide alimentaire est nécessaire mais certainement pas suffisant. Le manifeste appelle à un changement de paradigme, garantissant à chacun «l’accès régulier, permanent et libre à une alimentation» adéquate et suffisante, en qualité et en quantité, assurant une vie «psychique et physique satisfaisante et digne».
Le système qui doit y concourir? Les experts préconisent la création d’un nouvel organe étatique – réunissant des acteurs de l’agriculture et de la restauration, de l’artisanat et de la transformation, de la distribution, ainsi que des consommateurs – visant à traiter toutes les questions de l’alimentation. L’Etat doit s’engager, souligne le manifeste, en faveur de systèmes de production durables, propices à la biodiversité et éthiques garantissant une rémunération équitable pour tous et priorisant «une agriculture paysanne locale, accessible à tous, diversifiée, nourricière».
Il y a lieu de promouvoir des pratiques agro-écologiques, ainsi que la transparence des prix et des marges. La lutte contre le gaspillage alimentaire doit faire partie de cette politique publique. Dans ce contexte, la restauration collective doit jouer un rôle central: ses acteurs issus des niveaux préscolaire, scolaire, supérieur et institutionnels doivent être formés à des pratiques durables, avec pour référence le cahier des charges Fourchette verte Ama Terra et GRTA. De même, la restauration scolaire doit garantir un accès à l’alimentation sans discrimination, avec pour objectif «un repas quotidien gratuit pour tous les enfants scolarisés à Genève».
(Véronique Zbinden)