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Grains nobles: vingt-cinq et ses multiples

La veille de la publication du 100/100 pour l’arvine «Grain par grain» de Marie-Thérèse Chappaz par le site Parker, la Charte Grain Noble Confidentiel fêtait ses 25 ans, à Sierre.

Le Château de Villa est en quelque sorte le conservatoire des vins du Valais et de la Charte Grain Noble Confidentiel. (dr)

L’icône de Fully, une des fondatrices de la Charte, n’était pas au Château de Villa, à Sierre, pour célébrer en petit comité cet anniversaire. Ce quart de siècle est scellé par une cuvée commune aux 16 vignerons qui font partie du mouvement. Chacun y a mis, en 2020, quelques litres qui de marsanne, qui d’amigne, qui de malvoisie (pinot gris), qui d’arvine. Ce sont, avec le johannisberg, les cinq cépages seuls autorisés pour obtenir le label. L’assemblage a donné 900 bouteilles et 150 magnums, avec une étiquette sérigraphiée en transparence, vendus respectivement 120 et 250 francs aux collectionneurs. Le Sierrois Robert Taramarcaz, président de la Charte, s’est félicité de cet élan: «On a tous participé. Tous les lots ont réussi la dégustation probatoire. Cette action collective et unanime m’a plu. Ce fut un long chemin, après le covid, jusqu’à la mise en bouteille par Provins, à fin août 2022.»

Une seconde cuvée commune

Pour les 10 ans de la charte, un exercice semblable avait été réalisé, avec du 2005. Les deux cuvées ont été dégustées: 2020 est évidemment d’une extrême jeunesse, tout en élégance, à peine marquée par un peu de vanille, avec de la richesse, bien sûr, mais équilibrée par l’acidité, et une belle longueur. Elle est le reflet du millésime, chaud, avec un bel automne, qui a favorisé des raisins séchés sur souche, plutôt que «rôtis» par la pourriture noble, comme en 2005. Plus de 15 ans après, ce nectar jaune cuivré exhale des notes de safran, de thé à la bergamote, sur une belle liqueur, «de type Sauternes», a osé l’œnologue Stéphane Gay, le «père» de la Charte. Les vignerons présents se sont félicités d’avoir bien appris, en un quart de siècle, à la fois du climat valaisan, qui alterne, voire partage, les raisins séchés et botrytisés, selon les millésimes, de la vinification, et de l’élevage sous bois. Si différentes à 15 ans près, nées de deux années opposées dans le style, les deux cuvées affichaient le même grammage de sucre résiduel (160 g/l) et le même taux d’alcool, 13 %.

Entre «essencia» et «solera»

«On n’est plus dans la course à la concentration», a constaté un producteur... Et pourtant! Le dégustateur Stephan Reinhardt, qui fait la pluie et le beau temps pour le site Parker pour la Suisse, a pour la première fois attribué 100 sur 100 points à un vin suisse. Il s’agit de la petite arvine Grain par Grain 2020, récoltée en sept passages dans les ceps, affichant 415 g/l de sucre résiduel, et 3,2 % d’alcool. Soit presque trois fois plus de sucre et quatre fois moins d’alcool que les cuvées anniversaires de la Charte. Un nectar hors du commun, réalisé seulement dans les années favorables, et totalement confidentiel (150 demi-bouteilles). A Tokay, il serait une «essencia»... Tant mieux, bien sûr, pour la vigneronne de Fully!

Mais l’avenir des liquoreux est moins joyeux: par rapport aux années 1990, il s’en produit deux tiers de moins en Valais, explique Emmanuel Charpin, ancien président de la Charte. A la tête du Château de Villa, l’œnologue propose une autre curiosité valaisanne, qui lorgne vers Jerez, cette fois: une «solera» perpétuelle où, depuis bientôt 20 ans, on complète chaque année un fût de 700 litres, avec de l’heida, de l’ermitage et de la rèze de plusieurs vignerons sierrois. Un quatrième soutirage, pour une mise en bouteille, devrait avoir lieu cette année. «Il reste 300 litres d’origine de cette cuvée Villa Soleja MMIV», confie le gardien passionné de la cave-œnothèque-conservatoire du Château de Villa.

(Pierre Thomas)


Davantage d’informations:

chateaudevilla.ch/loenotheque