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Impressions japonaises et textures végétales

Aziadé Cirlini a quitté la Pinte des Mossettes pour convier à un voyage gourmand, tout en subtilité, au Café des Argiles, à Vevey (VD).

  • L’univers d’Aziadé Cirlini ne ressemble à rien de connu, joyeux et coloré, mêlant références asiatiques et fraîcheur de la cueillette, arcanes de la fermentation et trésors du patrimoine alpin. (Photos DR)
  • La cueillette et la saisonnalité sont très présentes dans sa cuisine.

Le concept imaginé par Aziadé Cirlini est aux petits plats à partager, aux assiettes qui changent en permanence: un bref menu tracé à la craie sur une ardoise pour mieux pouvoir l’effacer le lendemain ou le revoir avec un ingrédient nouveau, tout juste surgi du domaine voisin. Villarlod, Villarsiviriaux, Praz Bonjour ou La Tourbière: les produits bios, ultra locaux et pour l’essentiel végétaux ont une histoire et une identité, ils sont cités et mis en avant, avec quelques découvertes passionnantes à faire aussi du côté des vins nature et boissons, grâce à l’experte Marie Bergé. Sommelière, Marie travaille également aux côtés de Virginie au Café Paradiso, à Bulle (FR). Et les deux complices font par ailleurs table d’hôtes à la campagne du côté de Romont, dans une belle bâtisse et résidence d’artistes. Mais ici, au Café des Argiles, à Vevey, elles partagent les lieux avec un autre duo féminin – présentes les vendredis et les samedis et chaque premier dimanche du mois. Le décor, à deux pas du lac, dans une ruelle tranquille, est tout de blancheur et de simplicité, cuisine ouverte, quelques voûtes et des murs offerts aux artistes de la région.

Petits plats à partager et carte sans cesse réinventée

Impressions japonaises, explorations coréennes, escales en Argentine et en Italie notamment. Aziadé convie à un voyage très personnel au fil des destinations aimées. Les assaisonnements lointains s’inscrivent en contrepoint des produits du cru; la cueillette sauvage est aussi très présente, de même que l’art et la science des fermentations, apprivoisées au cours d’un long séjour en Corée.

Une artiste avant tout

Italo-argentine d’origine, Aziadé Cirlini a grandi à Genève, parcourant très tôt le monde d’abord au côté de parents grands voyageurs; passée par la HEAD, elle demeure une artiste avant tout, mais a choisi de laisser sa passion de la cuisine passer au premier plan et prendre peu à peu le dessus. Ses sculptures et drôles d’installations se faire dévorer par l’envie vibrante d’apprivoiser les goûts.

Un peu par hasard d’abord, la Genevoise commence par un petit job dans le sillage de Walter el Nagar, époque Susuru – un des premiers lieux consacrés à l’art des ramen et autres nouilles asiatiques sous toutes leurs formes. Walter el Nagar est un formidable touche-à-tout connu notamment pour son engagement éthique: Aziadé le suit et se forme à ses côtés dans la cuisine de poche du Cinquième Jour, adresse des Eaux-Vives restée dans les mémoires pour sa créativité débridée et son concept solidaire. 

La poésie d’un paysage

De Genève, Aziadé part pour les Grisons et la ferme-auberge de Rebecca Clopath – récemment nommée Food Hero par la FAO pour sa vision d’une gastronomie axée sur la nature et la durabilité. De Lohn à Cerniat, la jeune cheffe rejoint alors Nicolas Darnauguilhem à la Pinte des Mossettes; l’autodidacte se retrouve aussi dans sa philosophie cousine, sa naturalité extrême, son goût du sauvage, l’immédiateté et les circuits courts, la poésie d’un paysage évoqué dans les assiettes.

Elle a quitté la Gruyère l’été dernier pour tracer sa voie. Celle-ci passe aussi par Le Nid, résidence d’artistes et table d’hôtes dans une ancienne maison de maître avec son moulin et sa petite rivière. Et depuis fin février, l’adresse un peu plus urbaine de Vevey. Passée par les cuisines de trois des chefs les plus originaux du moment, Aziadé a intégré les techniques et la grammaire des uns et des autres, avant de pouvoir révéler son monde à elle, désormais.

(Véronique Zbinden)