Elu Pâtissier de l’année 2025, le Genevois d’adoption cultive le beau et le bon dans ses multiples points de vente genevois.
Les règles de déontologie journalistique obligent l’auteur de ces lignes à préciser d’emblée qu’il n’est pas apparenté à Titouan Claudet. Leur patronyme commun, néanmoins, constitue une entrée en matière idéale pour leur entretien au Comptoir Woodward, à une heure où la foule se presse autour des tables de cet espace flambant neuf niché à la rue Neuve-du-Molard, au cœur de Genève. Pendant plusieurs minutes, sous le regard amusé de l’équipe qui gravite en ces lieux flanqués d’une longue vitrine exhibant les créations bigarrées du chef pâtissier, on remonte son arbre généalogique respectif, ou du moins les quelques branches dont on connaît avec certitude les contours. Bien que le nom de famille ne soit pas courant, on en vient à la conclusion qu’on ne repartira pas, ce jour-là, avec le plaisir d’avoir découvert un lointain et talentueux cousin, originaire de Besançon, en Franche-Comté.
Depuis cette rencontre, le Genevois d’adoption a décroché le titre de Pâtissier de l’année 2025. Au moment de son sacre, il a salué le soutien indéfectible de son équipe, en particulier sa sous-cheffe Iris Lau, ainsi que celui de ses proches. Derrière la formule consacrée transparaissent une sincérité et une humilité perceptibles déjà au moment d’évoquer avec lui, quelques semaines plus tôt, son parcours et les circonstances qui l’ont conduit à se consacrer à la pâtisserie. Pour celui qui se décrit comme une personne timide et introvertie, la consécration, on l’imagine, doit être vécue comme un chambardement. Mais il a la tête bien sur les épaules et semble imperméable au stress, comme on s’en rend compte en l’écoutant décrire, avec des mots précis, les défis qu’il relève chaque jour pour perfectionner son art au sein de l’établissement 5 étoiles qui compte trois points de vente (lire encadré), auxquels s’ajoute bien sûr le Comptoir Woodward, où il passe régulièrement.
Aujourd’hui reconnu par ses pairs, Titouan Claudet, 31 ans, n’était pas vraiment destiné à la pâtisserie. Aucun professionnel des métiers de bouche dans sa famille, seulement le plaisir simple des repas partagés. «Nous nous retrouvions souvent autour de menus conviviaux orchestrés par ma grand-mère, qui préparait, entre autres, de grandes crêpes au comté ou des compotes de pommes du jardin», raconte-t-il. De cette ambiance simple et chaleureuse, il retient l’essentiel: la cuisine est avant tout un acte de partage. Lorsqu’il envisage de faire carrière dans l’hôtellerie-restauration, ses parents expriment toutefois quelques réticences. Afin de les rassurer, il suit un baccalauréat en sciences économiques et sociales avant de se lancer dans une année de mise à niveau en hôtellerie-restauration, dans le cadre d’un BTS. Ce choix s’avère déterminant; il découvre ainsi sa véritable vocation.
Le déclic se produit aux côtés de Benoît Charvet, lors d’un stage en cuisine au Relais Bernard Loiseau. C’est là que son regard se pose pour la première fois, curieux et attentif, sur l’univers de la pâtisserie. «J’ai vite compris que cet art, exigeant et peu enclin à l’improvisation, correspondait bien à ma nature, assez posée et méthodique», confie-t-il. Un nouvel horizon s’ouvre alors: la cuisine laisse place à la pâtisserie. Mais le grand saut, ce n’est pas pour tout de suite. Il suit d’abord Benoît Charvet chez Georges Blanc, un restaurant triplement étoilé. Il y travaille pendant quatre ans, gravissant les échelons de commis à chef de partie, et y développe son endurance et sa résilience. «J’ai beaucoup appris dans ce contexte, mais les longues heures de travail ne vont plus forcément de soi. D’ailleurs, j’ai de la peine à faire comprendre à mes proches que mon travail, en quelque sorte, c’est ma vie», ajoute le chef pâtissier, très présent sur les réseaux, notamment Instagram, où il a su bâtir une solide communauté autour de vidéos bien orchestrées montrant les coulisses de ses créations.
Son parcours l’emmène ensuite en Alsace, à l’Auberge de l’Ill, où il s’imprègne de la tradition culinaire alsacienne, qui contraste avec la cuisine lyonnaise de ses débuts. Un détour par le restaurant étoilé Sarkara à Courchevel lui permet de découvrir une approche avant-gardiste de la pâtisserie, axée sur des ingrédients atypiques comme les herbes, les plantes et même certains légumes. Sa saison est écourtée par la pandémie, ce qui lui permet de retrouver les siens, pour qui il cuisine durant le confinement, avant de rejoindre, à la réouverture, la brigade d’Anne-Sophie Pic, à Lausanne, où il est nommé sous-chef pâtissier. Enfin, en 2021, il est recruté au Woodward à Genève par Olivier Jean.
Quid de son style? Dans une ville comme Genève, Titouan Claudet s’attache à revisiter les classiques, qu’il dépoussière avec soin pour les ancrer dans la modernité. «La clientèle apprécie d’être guidée vers des saveurs nouvelles tout en retrouvant des repères familiers parmi les desserts proposés. Mon credo: le beau fait venir, le bon revenir», résume-t-il. Son attachement aux produits de saison se reflète dans ses choix d’ingrédients, souvent issus de producteurs locaux, avec à la clé de belles créations attirant le regard aussi bien en salle qu’en boutique.
(Patrick Claudet)
Agé de 31 ans et originaire de Besançon, Titouan Claudet lève le voile sur ses secrets de fabrication via les réseaux sociaux.
Au sein du Woodward, plusieurs de ses créations sont devenues emblématiques. Parmi elles, le Grain de Café à L’Atelier Robuchon (2 étoiles), un hommage au tiramisu, où sarrasin soufflé et opaline délicate viennent revisiter ce classique avec une touche de modernité. Au Jardinier, il propose une meringue suisse, twistée par une association de crème de Gruyère et de fruits de saison, un mariage qui réinvente les textures et équilibre parfaitement douceur et acidité. Quant au Bar 37, il y a mis en place le concept de «Haute Gourmandise», un tea-time hybride servi quotidiennement, où ses viennoiseries sophistiquées ravissent les amateurs de pâtisserie.