La plus riquiqui des cucurbitacées valait bien un hommage. Le musée de la cité sarde lui dédie en prime une expo avec une pléiade d’artistes.
«L’amour du beau m’a conservé, comme le vinaigre fait aux cornichons», se rengorgeait ce frimeur de Flaubert dans une lettre à la princesse Mathilde, datée de mars 1879. Fou ce que Cucumis sativus a pu inspirer les artistes, de Flaubert à Mandryka, en passant par Nino Ferrer. Mais le point de départ du Musée de Carouge, qui lui rend un hommage appuyé, est d’abord industriel: la commune sarde a tout un pan d’histoire lié à la conserverie-vinaigrerie Chirat, la famille lyonnaise éponyme venue s’y établir au XIXe siècle. Si l’usine a fermé en 2007, croquée entre-temps par la multinationale Unilever, les pratiques et les images qui y sont liées – à commencer par les drôles de pubs d’Edmond Liechti à l’effigie d’un pickles band – demeurent. Au-delà de ce prétexte local, le héros minuscule de l’expo fait l’objet d’une quinzaine d’interprétations contemporaines par des artistes aussi divers que Ben, Guillaume Long, Albertine, Gérald Poussin, Pierre Wazem. Manon Canevascini ou encore Plonk & Replonk.
Qu’il soit vert petit de Paris ou amélioré de Bourbonne, blanc hâtif ou long anglais épineux, japonais grimpant ou concombre serpent, on lui prête une origine dans l’Himalaya, mais il serait connu des Chinois depuis plus de 5000 ans. Mentionné dans la Bible et apprécié de Cléopâtre pour ses vertus esthétiques, il arrive en France au Moyen Age, où l’on pense qu’il «développe l’intelligence». Louis XIV en raffole; dans la bouche du capitaine Haddock, il devient au contraire une invective digne du bachibouzouk. On apprend aussi que notre concombre miniature n’a pas toujours vu la vie en rose, moqué pour ses maigres vertus nutritionnelles et sa teneur en eau, quand on ne le réduit pas à un symbole phallique. En fin de parcours, une carte mondiale répertorie sa présence et les traditions culinaires qu’il inspire, du malossol au tsukemono et du gurkenbrot allemand à la soupe aux cornichons polonaise.
(Véronique Zbinden)