Cette année, six brigades et leurs invités nous feront voyager d’Iran en Ukraine, de Syrie en Afghanistan et en Ouganda.
Jenan Hamza est arrivée d’Alep en 2013, via la Lybie, puis une traversée épique en bateau jusqu’à Lampedusa; sa famille d’origine kurde a été dispersée par la guerre en Suède, en Turquie, en Allemagne et en Irak notamment. Elle cuisine depuis toujours avec passion et talent et le fait désormais à Genève à l’occasion de grands événements comme la Fête de la musique ou l’Escalade; Jenan, 35 ans, a envie de faire découvrir la cuisine syrienne authentique et rêverait d’ouvrir un jour de même un restaurant à Genève. Issue d’une minorité religieuse en Iran, Leila Ghahramani a fui Shiraz en 2016, avec sa famille; elle a dû interrompre ses études universitaires en raison de ses convictions, a été emprisonnée, avant de pouvoir s’exiler et de s’installer à Genève avec ses enfants. Après avoir œuvré comme traiteur lors de manifestations, elle a trouvé un emploi dans la restauration.
Jenan et Leila cuisineront ensemble ces prochains jours une série de repas iraniens et syriens au Windows, à l’Hôtel d’Angleterre. Le Refugee Food Festival est de retour pour la quatrième fois à Genève du 12 au 20 juin; il y est soutenu et organisé conjointement par l’Hospice Général. Comme à Paris, Lille, Rennes ou Marseille, Lyon ou Strasbourg, parmi les douze villes françaises participantes, les dates choisies, autour de la Journée mondiale des réfugiés, le 20 juin, varient en fonction de l’établissement, ainsi que les horaires et modalités pratiques. L’édition genevoise du festival affiche cette année six adresses très diverses, dont les brigades et chefs invités vont nous faire voyager d’Iran en Ukraine, de Syrie en Afghanistan et d’Ouganda en Côte d’Ivoire.
Le principe est simple: un chef invité cuisine à quatre mains avec le chef titulaire du lieu une série de déjeuners ou dîners. On nous promet ainsi des dîners ivoiriens aux Bains des Pâquis, des déjeuners afghans au Grütli ou des spécialités iraniennes à La Vie des Champs, un menu ougandais au Zanzibar Lounge, des plats iraniens et syriens à l’Hôtel d’Angleterre, voire ukrainiens chez Cuisine Lab. Seule nuance par rapport à un pop-up «classique», l’origine et l’histoire des chefs et cheffes invités. Réfugiés au parcours souvent tragique, la cuisine est porteuse pour eux d’un enjeu singulier: elle est à la fois une merveilleuse manière de préserver un lien avec sa culture d’origine et de communiquer, de partager avec son pays d’accueil.
Le menu établi par Jenan et Leila est ainsi métissé de Syrie et d’Iran, proposant des spécialités aux noms familiers tels que houmous, moutabal, falafel, kebbé et autres taboulé; mais aussi de plus mystérieux banjan (aubergines farcies), kabsa (riz au poulet, noix et raisins secs), bamej (ragoût d’okras/gombos), mirza ghazemi (aubergines fumées à l’ail, fesendjoun (ragoût de poulet, noix, jus de grenade) ou encore des desserts parfumés tels les basboussa, halawet el jeben et autre baklava. Autant de moments festifs et chaleureux, de plats colorés à partager, en hommage à la diversité étincelante, humaine et culinaire, d’Alep avant la guerre, de Shiraz, en souvenir de la douceur de vivre moyen-orientale…
Le 20 juin, un dîner ivoirien clôturera le festival aux Bains des Pâquis, cuisiné par Basile Neoulo: l’occasion d’évoquer les quelque 83 millions de personnes déplacées, un chiffre qui a doublé en dix ans, selon le HCR.
(Véronique Zbinden)