Charmante petite adresse des Eaux-Vives, à Genève, Mi Food Mi Raisin se dédouble: d’un côté, épicerie-cave-bar à vins naturels, de l’autre, le resto.
D’un côté, le flux incessant et tapageur de la rue des Eaux-Vives et de sa parallèle Blanvalet – dite rue de la soif par un voisinage échaudé –, de l’autre, en remontant de quelques dizaines de mètres, une ruelle un peu à l’écart de cette vie débridée. Le chemin Neuf et le renouveau d’une de ses bonnes petites adresses. C’est ici qu’on retrouve Martin Reggiani et, depuis peu, Muhamed Muratovic, alias Momo, côté cuisine. Mi Food Mi Raisin? Une adresse connue depuis une décennie des habitants des Eaux-Vives, entièrement revisitée récemment avec la complicité des jeunes architectes de l’Atelier August. Seul le nom n’a pas changé, pour une enseigne qui se décline désormais en deux temps, deux cartes, deux espaces distincts mais voisins de la même ruelle.
Côté épicerie-cave, le fief du jeune patron Martin Reggiani, une jolie collection de vins bios et naturels s’allie à des charcuteries de derrière les fagots, coppa et culatello, saucisson ibérique et autre lard de Colonnata, reblochons fermiers, crottins et brebis au lait cru pour un grignotage chic. Une Berkel rouge comme un camion de pompiers en gardienne des lieux et l’âme qui va avec. Plus récemment, l’arcade voisine a été reconvertie en resto: bois clair et banquettes cosy sous le regard malicieux des buveurs de Michel Tolmer, carrelage façon seminato vénitien – un mouchoir de poche d’une vingtaine de couverts, bientôt prolongé par une terrasse.
La carte? Petite mais diablement efficace pour réveiller des envies enfouies, intriguer parfois, réconforter souvent. La fraîcheur ébouriffante d’une salade d’épinards, féta, grenade, amandes, paprika fumé. Une langoustine effleurée au chalumeau, mayo miso, la pureté d’un produit magnifique. Ou alors pourquoi ne pas associer le gras du thon, effeuillé cru en sashimi, et l’acidité de la rhubarbe, quelques pickles, une vinaigrette de ponzu? Les premières asperges vertes et un filet de féra? Le côté rassurant, dont on ne se lasse pas, d’une volaille aux morilles et vin jaune. Pas question de garder la même carte au-delà d’une semaine, on aime ici sortir des sentiers battus, découvrir «des associations neuves et originales»: Muhamed Muratovic ne s’interdit rien et « en général avant de servir son menu carte blanche, ne sait pas ce qu’il va faire»… Bref, un bistrot gourmand à des prix décents comme Genève en com-pte peu, avec des portions moy-ennes, idéales pour découvrir et partager.
Muhamed Muratovic, Chef de cuisine du Mi Food Mi Raisin
Muhamed Muratovic, formé chez Serge Labrosse à l’époque flamboyante du Buffet de la Gare des Eaux-Vives, ancien compagnon de route de Florian Le Bouhec dans plusieurs de ses adresses, s’est fait connaître comme chef du Bleu Nuit, avant d’aspirer à plus de liberté et un semblant de vie de famille. Durant la pandémie, le chef et jeune papa s’est donné un peu de temps, faisant ici et là quelques pop-up, pour se retrouver et mieux reprendre son élan.
De son côté, Martin Reggiani, diplômé en management hôtelier de Vatel Bordeaux et passionné par les vins naturels, a bourlingué de Maurice aux palaces genevois, passant par le Ritz-Carlton pour l’ouverture du Fiske Bar à Genève, puis la Pinte des Mossettes de Romain Paillereau à Cerniat (FR). Désireux de reprendre un lieu plus urbain pour s’y adonner à sa passion vineuse et gourmande, il ouvre la première adresse à la veille de la pandémie, avant d’y convier Momo deux ans plus tard. Ça sent le printemps, enfin, du côté des Eaux-Vives.
(Véronique Zbinden)