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Une passion de longue haleine 

Jules-François Pahud, membre depuis 1959, a une âme d’archiviste et un vrai talent pour narrer les épisodes de la carrière de cuisinier qui l’a conduit aux quatre coins du monde. Rencontre dans son «chalet» d’Aubonne.   

Jules-François Pahud a fait son apprentissage de cuisinier à Montreux. (PCL)

«Bienvenue au chalet». La pancarte accueille le visiteur qui pénètre dans le cabanon aménagé sur le balcon d’un appartement d’Aubonne (VD), avec vue sur les Alpes. Ce «chalet» qui est son antre, Jules-François Pahud en conte la genèse avec force détails. L’histoire est compliquée, forcément, puisqu’il a fallu composer avec le règlement communal et celui de la PPE. Mais l’attention se porte vite sur les murs tapissés de médailles et de photos en noir et blanc, et sur la casquette et la sacoche d’un conducteur de tram accrochées bien haut. «Elles appartenaient à mon père, qui a été wattman, jusqu’à la disparition de la ligne en 1952», explique l’Aubonnois.

Ces reliques en parfait état ­côtoient d’autres bibelots, mais l’essentiel est ailleurs. De tiroirs bien remplis, l’hôte sort bientôt les archives de sa vie professionnelle, qui a débuté le 10 avril 1956. La date est là, sur le contrat ­d’apprentissage signé par ses parents, où figurent notamment le montant de son salaire (10 francs par mois le premier semestre, ­50 francs au cinquième et dernier) et la durée du travail (10 heures par jour, six jours par semaine). «C’est ma mère qui m’a donné envie d’embrasser ce métier. Elle cuisinait tous les jours et c’est moi qui allais remettre à mon père  son repas de midi à l’arrêt de Bougy St-Martin», se souvient celui qui est né le 14 juin 1940, «jour de l’entrée des Allemands dans Paris».

Une prodigieuse mémoire

Sa formation initiale? Il la fait au Grand Hôtel Suisse & Majestic, à Montreux (VD). «Le matin, nous commencions à 8h mais le tapissier italien réveillait les apprentis de première année bien avant pour qu’ils puissent mettre en marche le piano à charbon.» Au-delà des anecdotes professionnelles, dont l’une est liée à un chef de cuisine qui distribuait les coups de pied jusqu’à ce qu’il ne soit remercié, Jules-François Pahud se souvient de son arrivée sur la Riviera. C’est là qu’il rencontre pour la première fois des Anglais, des Allemands ou encore des Scandinaves, tous ces touristes en transit qui font de Montreux une ville internationale, et ce  depuis l’invention même du tourisme. Montrant des clichés de l’époque, l’ancien cuisinier énumère tous les collègues qui l’entourent, comme s’il les avait quittés la veille. A la mémoire des noms s’ajoute celle de nombreuses anecdotes cocasses, comme lorsqu’en pleine école de recrues à Bière, où il est incorporé dans l’artillerie, il roule de nuit à vélo sous la neige jusqu’à Gimel pour un service à  l’hôtel de l’Union, avant de rentrer le soir même. «Mon sommeil était si profond que les copains de chambre ont installé mon lit sur la table sans que je m’en rende compte. Il m’arrive d’être rancunier, mais cela ne m’a pas empêché de rejoindre l’Amicale des recrues.»

L’appel du large

Après son école de sous-officiers, direction l’Angleterre. De la gare Victoria, il rejoint le Sussex en train à vapeur – «un clin d’œil à mes séances de cinéma au Club Fip-Fop!» – et développe ses compétences linguistiques, qu’il parfait à l’hôtel Marcliffe en Ecosse. Ce séjour insulaire l’incite à prendre le large. Le voilà qui embarque à bord du New Amsterdam qui relie l’Europe aux Etats-Unis, puis à bord du Général-Guisan, ce cargo qui dessert l’Afrique du Sud, l’Asie et l’Amérique du Sud. «A ce moment-là, je découvre le Japon, le Cambodge et le Vietnam, où je suis retourné après la guerre. A bord, il y avait toujours quelque chose à faire, car nous recevions les bêtes entières et il fallait nourrir l’équipage, mais nous avions quand même le temps de bronzer.»

A son retour, il lorgne les métiers du service et intègre l’Ecole hôtelière de Genève. Dans la foulée, il est engagé comme chef de rang puis maître d’hôtel dans un hôtel en Allemagne. Il envisage alors d’entrer chez Swissair comme steward, mais il est recalé parce qu’il porte des lunettes. «Le décès d’un frère en 1974 m’a contraint à rentrer à Aubonne, quinze ans après mon départ. Je suis alors retourné à mes premières amours en devenant chef de cuisine à l’Institut Le Rosey.» La suite? C’est la rencontre avec une infirmière appenzelloise, Thérèse, qu’il épouse après l’avoir rencontrée à la suite d’une opération. Suivent d’autres postes, notamment chez Howeg, puis celui qu’il occupe une vingtaine d’années à La Rosière, jusqu’à son départ à la retraite en 2000. De belles années auxquelles il repense souvent dans son «chalet» d’Aubonne.   

(Patrick Claudet)


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