Shaun Rollier, 27 ans, est le Cuisinier d’Or 2023. Ce passionné de sports de montagne a su garder son sang-froid et convaincre le prestigieux jury grâce à son savoir-faire, une réalisation parfaite et ses approches créatives.
Kursaal de Berne, lundi 5 juin, 15h. Shaun Rollier vit les dernières minutes du concours de cuisine durant lequel il est aligné aux côtés de quatre autres cuisiniers. Il travaille rapidement, mais sans se presser, et place délicatement les composants de son plat de viande sur son grand plateau. Ses fans l’encouragent avec ferveur tandis qu’il dépose la viande au terme du temps imparti, à 15h06 pour être précis, cinq heures et demie après qu’il a démarré son programme. Shaun Rollier et son commis Gabriel Lopez se serrent dans les bras et se tapent sur l’épaule.
L’équipe gagnante a entraîné ses créations huit fois au total en prévision de la finale du Cuisinier d’Or. Comme plat de poisson, Shaun Rollier, qui est chef de partie à l’hôtel-restaurant Valrose à Rougemont (VD), a apprêté un filet d’omble chevalier sur un biscuit aux noisettes et à l’omble chevalier. En guise d’accompagnement, il a servi un mille-feuille de concombre avec une crème de chèvre frais fumé, une morille farcie et une tarte aux petits pois avec du raifort, du caviar de montagne, de la crème de petits pois et du tonburi. Au micro avec Sven Epiney durant la compétition, le chef étoilé Ivo Adam a fait l’éloge de sa ligne claire et de sa décoration tout en finesse. «On dirait un bijou raffiné», a-t-il déclaré au sujet de la dentelle ornant la morille farcie.
Au moment où le plat de viande est sorti, Ivo Adam s’est aussi montré impressionné, cette fois par la manière dont le cuisinier romand avait découpé très finement la langue de veau, l’un des ingrédients imposés, avant de la disposer délicatement autour du filet de veau, lui aussi imposé. «Il a un style franc, sans fioritures», a déclaré le chef exécutif du Casino de Berne. La viande était accompagnée d’asperges blanches, enrobées de rhubarbe piquée et aromatisée au poivre rose, le tout accompagné d’une pomme de terre confite farcie à la vichyssoise et d’une tartelette au thym des champs, aux aubergines et aux spirales de courgettes marinées.
A 27 ans, le Cuisinier d’Or 2023 a déjà acquis une grande expérience au sein de plusieurs brigades étoilées. Le Genevois a fait son apprentissage au Restaurant de l’Hôtel de Ville de Crissier (VD). Avant d’arriver à Rougemont en juin 2022 en tant que chef de partie, il a travaillé au restaurant Prima à Megève (FR), chez Nicolas Hensinger, et au restaurant danois Geranium, à Copenhague, chez Rasmus Kofoed. Outre ce dernier, il cite également les grands chefs Franck Giovannini et Arnaud Donckele comme ses modèles. Quant à son temps libre, il le passe volontiers en montagne: en été, il fait de l’alpinisme ou de la randonnée; en hiver, il dévale les pistes ou fait du ski de randonnée.
La concurrence ne s’est toutefois pas endormie lors de la finale du Cuisinier d’Or. Selon le président du jury Franck Giovannini, le niveau des cinq finalistes était très élevé. A la deuxième place figure Daniele Angelosanto, sous-chef au Restaurant de l’Hôtel de Ville de Crissier, qui a lui aussi travaillé de manière précise. Classé troisième, Mario Garcia a abordé l’épreuve avec une grande expérience des concours à son actif, lui qui a décroché la cinquième place à la finale du Bocuse d’Or 2019. «C’est un perfectionniste. Il va loin dans les détails et inspire les autres avec de nouvelles techniques», a déclaré Ivo Adam à son sujet.
Au fil des ans, Franck Giovannini a constaté une belle évolution technique: «Les travaux sont de plus en plus précis, les assiettes de plus en plus belles. Mais, au final, la règle reste la même: le goût doit primer.»
(agu/pcl)
Le jour de la grande finale du Cuisinier d’Or, 87 collaborateurs ont fourni un total de 1044 heures de travail. En plus de l’installation de l’arène, 4000 mètres de câbles supplémentaires ont été posés. Environ 1000 spectateurs ont assisté à la finale de la 20e édition de ce concours organisé par la maison Kadi.
Vu de la tribune, le Cuisinier d’Or a été un spectacle fascinant. Comment avez-vous vécu cette journée?
Shaun Rollier: En compétition, on travaille de manière très structurée et on puise dans l’expérience acquise lors des entraînements pour être en mesure de s’en sortir malgré la pression du temps. Les cinq heures et demie m’ont paru très courtes, sans doute parce que j’ai abordé la finale en étant bien préparé, après une demi-finale très intense pour moi.
La concurrence était solide. Avez-vous cru à la victoire?
Un concours ne se gagne pas le jour J, mais lors de la préparation. Nous avons beaucoup travaillé en amont, toutes les personnes autour de moi étaient très impliquées dans le projet. Et si je savais que ce serait difficile de l’emporter, je savais aussi que j’avais une expérience que les autres n’avaient pas. De plus, tout ce que je présentais venait de moi, c’était ma cuisine, mon identité culinaire.
Quel a été votre parcours professionnel jusqu’à présent?
Après mon apprentissage, je suis parti en France. J’ai d’abord travaillé chez Arnaud Donckele; l’importance qu’il donne au goût, à la préparation parfaite et à l’assaisonnement m’ont fortement marqué. Puis j’ai travaillé avec Nicolas Hensinger en tant que sous-chef et obtenu une étoile Michelin. C’est à Copenhague que j’ai développé mon sens de l’esthétique.
Que représente ce titre?
J’ai toujours voulu participer au Cuisinier d’Or. Le fait de le gagner est génial. C’est une étape importante dans mon parcours.
Votre prochain objectif?
Sur le plan professionnel, je souhaite continuer à soutenir Benoît Carcenat au restaurant Valrose et faire de mon mieux pour l’aider à atteindre ses objectifs. A titre personnel, je compte pratiquer le ski de randonnée et l’alpinisme aussi souvent que possible.
Quid des concours?
Bien sûr, tout le monde me parle maintenant du Bocuse d’Or, mais ce n’est pas un sujet pour moi à l’heure actuelle. Ma cuisine ne serait pas encore assez innovante et autonome. Mais je n’exclus pas d’explorer cette piste un jour.