Semaine de quatre jours, service continu, chasse au gaspillage, prix équitables et soutien à l’écosystème local: le modèle alternatif de Laura Rod a prouvé sa viabilité à Corcelles-le-Jorat (VD).
Une salle de 25 places, deux terrasses, un espace privatisable à l’étage, une épicerie en vrac, quatre chambres d’hôtes et un rendez-vous culturel tous les mois (le prochain avec l’écrivain Blaise Hofmann, le 24 septembre): bienvenue chez Ben Ouais, ce «bistro-boutique-dodo locavore» ouvert le 1er décembre 2022 par Laura Rod, cheffe de cuisine avec diplôme fédéral, coprésidente de Slow Food Suisse, qui s’est associée à son mari Martin, agriculteur, et Fabien Ayer, ingénieur du son en phase de reconversion, pour lancer un établissement d’un genre nouveau à Corcelles-le-Jorat (VD). Particularité de l’entreprise? Elle privilégie les circuits courts en s’approvisionnant auprès des producteurs locaux, dont elle assure dans la boutique attenante au restaurant la promotion des produits qu’elle achète (ici pas de dépôt-vente) et transforme pour le plus grand bonheur de sa clientèle de proximité. «Nous veillons aussi à réduire au maximum le gaspillage alimentaire, qui se limite à 2 % chez nous, en offrant à travers l’épicerie une seconde vie à nos plats cuisinés, et en apprêtant pour nos hôtes les invendus de la boutique», explique la Vaudoise d’origine britannique, formatrice chez Hotel & Gastro Formation à Pully pour les cours interentreprises, et membre de Hotel & Gastro Union.
Laura Rod, cheffe de cuisine avec diplôme fédéral
Un autre mérite de Ben Ouais est d’avoir imaginé un modèle social vertueux, dans l’air du temps, mais que trop peu d’enseignes osent encore implémenter. A Corcelles-le-Jorat, les neuf employés bénéficient de la semaine de quatre jours pour un salaire plein et ils connaissent leur planning deux mois à l’avance, tout en bénéficiant d’une très grande liberté dans la planification de leurs horaires. «Beaucoup de gens m’ont dit que ça ne marcherait pas. Trois mois plus tard, la formule était viable. Au lieu de payer des heures supplémentaires et de surcharger nos collaborateurs, nous avons une équipe élargie qui assure un service en continu, du jeudi au lundi, de 8h à 22h.»
Cette configuration est non seulement appréciée par les employés, recrutés six mois avant l’ouverture en dépit de la pénurie de personnel, mais aussi par la clientèle – chez Ben Ouais, en effet, personne n’est renvoyé à 14h parce qu’on ne sert plus. «Nous avons oublié que la restauration est un métier d’accueil. Sur nos portes, d’ailleurs, il est souvent écrit que c’est "ouvert". Ouverts, nous devons l’être à tous, tout en créant les conditions d’un partage authentique.»
Par ailleurs, Laura Rod a établi un code de civilité signé par toute l’équipe, et articulé autour de principes tels que le respect, la collaboration et l’ouverture. Cette charte, qui liste les actions entreprises en cas d’incivilités répétées, et qui prévoit des sanctions immédiates en cas d’agressions verbales ou physiques, de propos sexistes ou de remarques racistes ou homophobes, notamment, est communiquée à la clientèle. «C’est une manière de dire que nous ne tolérons pas non plus les comportements déplacés de la part des clients. Notre code est bien compris et participe du succès de notre entreprise.»
(Patrick Claudet)