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Le manque d’apprentis diplômés renforce la pénurie de personnel

Jusqu’à maintenant, les professionnels de l’hôtellerie-restauration ont plus ou moins réussi à compenser la pénurie de personnel qualifié. Mais, en ce premier été sans trace de covid, ce n’est plus possible. Et nombre de clients se plaignent du manque de serveurs.

  • De nombreux restaurants manquent de personnel. (UNSPLASH)
  • Casimir Platzer.
  • Andreas Züllig.

Selon les récentes prévisions de Suisse Tourisme sur la base du premier semestre, 2023 devrait être une année record pour l’hôtellerie helvétique. A l’heure actuelle, le nombre de nuitées a ainsi augmenté de 3,6 % par rapport à 2019. Et la restauration est elle aussi en plein boom. Pourtant, nombre d’établissements ne peuvent malheureusement pas exploiter tout leur potentiel. A l’hôtel Doldenhorn de Kandersteg (BE), le restaurant reste fermé le mardi et le mercredi après-midi. «Je n’ai tout simplement pas le personnel», a expliqué l’hôtelier René Maeder lors d’un récent événement organisé par le Cercle des Chefs de Cuisine de Berne. Fin juin, dans son hôtel, six postes étaient encore vacants. «Pour remédier à cette situation, il faudrait plus de jeunes et des salaires plus élevés. Mais je devrais alors facturer le café 6,50 francs», a-t-il ajouté. Dans la vieille ville de Coire (GR), le restaurant Calanda n’ouvre plus ses portes que cinq jours par semaine au lieu de sept. «Nous n’avons pas le choix. Si nous ne ménageons pas nos collaborateurs, nous allons les perdre eux aussi», a souligné Sandra Brunner dans un article publié par de très nombreux quotidiens.

Miser sur l’attractivité

Toujours à Coire, Adrian K. Müller de l’hôtel Stern a une autre approche. Pour lui, il n’est pas question de réduire son offre et de fermer son restaurant, notamment le dimanche. Ce jour-là, pour témoigner sa reconnaissance à son équipe, il préfère payer un supplément de 50 % à ses salariés, qu’ils soient cuisiniers, spécialistes en restauration, chargés de l’intendance, responsables du petit-déjeuner, réceptionnistes, plongeurs ou apprentis. «La question n’est pas de savoir combien cela me coûte, mais combien cela me coûterait si je ne le faisais pas.»

Trouver de nouveaux modèles

La pénurie de personnel ne va pas disparaître de sitôt. En Suisse, le taux de chômage s’élève à 1,9 % . En juillet, seuls 6402 professionnels de la branche étaient inscrits auprès des ORP. Et, selon les chiffres de l’Office fédéral de la statistique, le nombre des apprentis diplômés baisse depuis 2010. Sur metiershotelresto.ch, 2287 places d’apprentissage ne sont d’ailleurs pas encore pourvues, alors que les formations ont débuté le 1er août.

A Kappel (SO), les patrons de l’hôtel-restaurant Kreuz ont réussi à trouver quatre apprentis sur cinq, à savoir une cuisinière,  deux assistantes administratives et une spécialiste en communication hôtelière – mais pas de spécialiste en restauration. Au total, Edith et Peter Weber forment dix apprentis par an et ils sont très engagés. «Nous organisons des événements pour les écoles. Il est important d’être vu et entendu», a confié Edith Weber au journal régional Argovie/Soleure de SRF 1. «Nos apprentis perçoivent un peu plus que le salaire minimum et ils touchent un petit bonus quand ils ont de bonnes notes.»

Réussir à motiver

Le Wellnesshotel Golf Panorama de Lipperswil (TG) n’a pas de poste vacant. «Les métiers de l’hôtellerie-restauration sont ce qu’ils sont et nos collaborateurs le savent», dit Alexandre Spatz, directeur de l’établissement. «Celles et ceux qui n’ont pas envie de travailler le dimanche ne changeront pas d’avis, même si on les paie le double.» Au Golf Panorama, l’accent n’est donc pas mis sur les salaires, mais sur les souhaits des salariés et l’atmosphère générale. «Nous avons une équipe à plein temps et beaucoup d’extras, qui choisissent leurs horaires en fonction de leur style de vie. Du coup, ils sont motivés. Ce n’est pas vrai que les jeunes n’ont pas envie de travailler dans la restauration», affirme Alexandre Spatz avec conviction.

Les projections démographiques constituent une lueur d’espoir. En 2050, la Suisse devrait compter 282 000 de jeunes de plus qu’aujourd’hui. Si les bonnes décisions sont prises dès maintenant, peut-être que davantage de jeunes travailleront dans la branche à ce moment-là.

(gab/bde)


Hotelleriesuisse: Andreas Züllig

Les pronostics de Suisse Tourisme étaient justes: la Suisse est une destination très demandée. «Si ça continue comme ça, nous allons établir un nouveau record de plus de 40 millions de nuitées», estime Andreas Züllig, hôtelier à Lenzerheide (GR). «Notre branche s’est très bien préparée au redémarrage prévu après la pandémie et elle réussit à répondre à cette demande sans sacrifier la qualité.»

Questionné sur la pénurie de personnel, le président de Hotelleriesuisse répond: «Les professionnels et les clients doivent s’adapter à la réalité. L’essentiel, c’est que la qualité ne baisse pas et que nous nous engagions en faveur des jeunes professionnels.»

Faire preuve d’estime

Pour intéresser les jeunes aux métiers de l’hôtellerie, Andreas Züllig organise depuis deux ans dans son hôtel le workshop «Schweizer–hof behind the scenes». Pendant trois jours, des écoliers ont la possibilité de s’immerger dans le monde de l’hôtellerie en mettant eux-mêmes la main à la pâte. En tant que clients, leurs parents peuvent quant à eux découvrir les aptitudes de leurs enfants et les atouts des métiers de la branche.

«Cela nous permet d’améliorer chaque jour l’image de notre profession auprès des parents et des autres clients», poursuit Andreas Züllig. «En interne, je fais tout pour apporter à mes salariés la considération qu’ils méritent – de l’apprenti débutant au chef cuisinier confirmé.»

«Avec ‹Schweizerhof behind the scenes›, nous présentons nos métiers aux jeunes»

Andreas Züllig, Hôtelier et président de Hotelleriesuisse


Gastrosuisse: Casimir Platzer

Presque toutes les branches font face à une pénurie de main-d’œuvre. La restauration manque surtout de cuisiniers et de professionnels du service. Selon le Centre de recherches conjoncturelles de l’EPFZ, 30,4 % des établissements situés près d’un lac ont des problèmes de recrutement. Ils sont 28,3 % en montagne et 23,1 % dans les grandes villes. «Même si la plupart des hôtels et des restaurants parviennent à satisfaire la demande, ils doivent parfois adapter leurs horaires ou leur offre», explique Casimir Platzer, président de Gastrosuisse. «Nombre d’établissements optimisent leurs processus internes. Et ils font tout pour proposer le meilleur service possible.»

Les exigences évoluent

«Notre branche est accueillante et familiale, elle défend des valeurs que les jeunes partagent», souligne par ailleurs Casimir Platzer. «Ils sont nombreux à vouloir profiter de leur temps libre et les horaires de la restauration le permettent.»

«Notre plan en cinq points prévoit entre autres de mieux former les cadres en matière de gestion du personnel»

Casimir Platzer, Hôtelier et président de Gastrosuisse

Selon lui, il est très important de sensibiliser celles et ceux qui ont des responsabilités aux défis de l’encadrement. C’est pourquoi, afin de combattre la pénurie de personnel, Gastrosuisse a conçu un plan en cinq points: «Il prévoit notamment une amélioration de l’attractivité et de la qualité des apprentissages, mais aussi des formations pour les personnes en reconversion ou de langue étrangère, des cours de management participatif et ainsi de suite.»


Davantage d’informations:

hotelgastrounion.ch