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Manger à la table d’Apicius dans la Genève d’aujourd’hui

Un restaurant genevois célèbre l’art de vivre et de banqueter de la Rome antique, avec force garum, épices et miel.

Le décor du restaurant est simple et charmant, ponctué de scènes antiques et de reproductions de fresques. (dr)

Vous prendrez bien un moretum et quelques boletos en entrée, voire cet alléchant ciceronam? Autrement dit, du fromage de chèvre frais aux herbes, des champignons grillés au miel ou une salade de pois chiches au cumin. Et pour suivre, la carte du jour affiche entre autres un poulet à la numide, avec dattes et amandes, lenticulam ex porris, agnum parthicum (salade de lentilles aux poireaux, gigot d’agneau à la parthe, rehaussé de pruneaux), voire un piscem coriandratum (poisson en croûte de coriandre)? Le tout vous sera servi avec un excellent pain maison, ou une fougasse, et éventuellement accompagné de vin aux épices et miel. Ainsi défilent les plats, évoquant pour certains les tajines d’Afrique du Nord avec leurs viandes longuement mijotées jusqu’à devenir fondantes et volontiers aigres-douces et certains plats du pourtour méditerranéen. Autre constat frappant, le garde-manger du chef Sevdail Kolcegi ne comporte ni pommes de terre, ni tomate, ni maïs et pas davantage de courges ou d’aubergines – autant d’immigrés surgis voici quelques siècles seulement dans nos potagers européens. Et levez vos gobelets, car Nunc est bibendum, pour le dire avec les vers d’Horace, écrits en 31 avant notre ère pour célébrer la victoire d’Octave sur son rival Marc-Antoine et son alliée Cléopâtre, à Actium.

Un touchant souci du détail

Bienvenue chez Nunc, à Genève, l’étonnant restaurant ouvert face au MAMCO au lendemain de la pandémie, dans le prolongement de l’association éponyme Nunc est Bibendum. Et pour ceux qui ne seraient pas familiers des subtilités de notre langue mère, voire brouillés avec de lointains souvenirs de latin: «C’est maintenant qu’il faut boire!» Le décor, lui, est simple et charmant, ponctué de scènes antiques et de reproductions de fresques et autres mosaïques de Pompéi ou de Paestum, avec dans l’entrée, un peu en retrait, le rituel triclinium – l’alcôve aménagée pour y banqueter confortablement allongés sur des banquettes rembourrées de coussins. On a poussé le soin jusqu’à installer dans la salle un petit autel dédié au culte des ancêtres et des divinités du foyer, comme alors – où le serpent du premier plan est un symbole de paix et de prospérité. Et touchant souci du détail, le petit coin est orné de graffitis qui ne dépareraient pas à Herculanum et que chacun est libre d’enrichir à l’heure de son passage dans ce lieu privatif. On passe à table? Que le chaland se rassure: «On n’est pas obligés de manger couchés dans le triclinium, plutôt réservé à des occasions spéciales», explique Manuel Grandjean, un des passionnés à l’origine de l’association.

Une cuisine d’une richesse incroyable

La carte du restaurant est structurée à la façon d’Apicius – les Grecs sont la référence et le modèle en tout, dont on s’inspire pour titrer les chapitres: Cepuros, Tropetes, Tetrapus, Thalassa, soit le jardinier, les volailles, les quadrupèdes ou la mer. Cuisinier officiel de l’empereur Tibère au premier siècle, Marcus Gavus Apicius est à l’origine du plus ancien livre de cuisine qui nous soit parvenu: «De re coquinaria est la source la plus complète dont on dispose, avec quelque 500 recettes puisant aux multiples sources de cet immense empire», souligne Manuel Grandjean. Le hic? Elles citent les ingrédients et les modes de cuisson, sans indication de quantités ou de durée de cuisson, d’où un important travail de recherche et d’expérimentation mené par les membres de l’association, en collaboration avec le chef. Au final, tout cela donne une cuisine d’une richesse incroyable, avec une inspiration et des produits des quatre coins du monde, note l’ancien journaliste.

(Véronique Zbinden)


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