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Une continuité pleinement assumée à Vétroz

Icône de l’amigne à Vétroz (VS), Fabienne Cottagnoud a pris sa retraite. Qui pour lui succèder? Un duo reprend la Cave des Tilleuls. Rencontre.

Laurent Héritier et Madeline Hall-Gauye, le duo qui a repris la Cave des Tilleuls à Vétroz (VS). (dr)

On parle plus souvent des caves où la transition de père en fils, et de plus en plus en filles, a lieu naturellement. Mais quand cette filiation n’existe pas? La Cave des Tilleuls, à Vétroz, était indissociablement liée à Fabienne Cottagnoud, qui a vinifié 25 millésimes, alors que son mari, Marc-Henri, cultivait ses vignes et lui livrait du raisin. A l’approche de la soixantaine, le couple a trouvé un partenaire et associé, Laurent Héritier.

Trois millésimes pas faciles

A 50 ans, ce Saviésan passionné de vignes a renoncé à sa carrière dans les assurances pour se consacrer à la terre. Et moins de dix ans plus tard, il vient de reprendre à son compte la Cave des Tilleuls SA, ce mois de juillet. Depuis décem-bre 2020, Madeline Hall-Gauye a rejoint la cave. Avec le 2022, l’ingénieure-œnologue (diplômée de Changins) signe son deuxième millésime (25 000 bouteilles).

Avec trois millésimes compliqués, pour des raisons différentes pour ne pas dire inverses, la mise en place n’a pas été facile, admet volontiers la jeune œnologue de 35 ans. Par ses antécédents, tant en Valais qu’à l’autre bout du monde, notamment aux Etats-Unis, dans l’Oregon, et au Canada, dans la vallée de l’Okanagan, puis en Nouvelle-Zélande, où elle a rencontré son mari, un caviste américain, Madeline a l’habitude de devoir prendre en charge du raisin et de le transformer en vin. C’est ce qu’elle a fait durant plusieurs «stages» ou mieux des «saisons» de trois mois, où elle travaillait en cave.

Sous le signe de la quantité et de la qualité de la vendange, le millésime 2022 a marqué un redémarrage. «Si je devais changer quelque chose, ce serait moins en cave que dans la vigne. Je veux volontiers essayer des levures indigènes, et poursuivre l’étude de l’élevage, avec l’appui d’un petit tonnelier bourguignon. Mais le cycle du vin est ainsi fait qu’on ne peut expérimenter qu’une fois par année... Je veux bichonner le fendant, le gamay, l’amigne et la douzaine de cépages que nous avons», explique avec conviction l’œnologue. Encore faut-il obtenir les meilleurs raisins possibles, provenant de 4,5 hectares, dont les vignes propriété de Laurent Héritier et de Marc-Henri Cottagnoud, et celles cultivées par des vignerons «payés au mètre carré», une formule qui permet à l’encaveur d’en orienter la culture et le rendement.

Un bastion de l’amigne

La force de la Cave des Tilleuls réside dans ses amignes. Elle sont plurielles: amigne Clos des Perdrix (une abeille, soit moins de 8 gram-mes de sucre résiduel), Grand Cru de Vétroz (deux abeilles), Réserve (qui signifie ici élevée en barrique), mais aussi surmaturée, soumise au cahier des charges du label Grain Noble ConfidenCiel, et en vin jaune. Fabienne Cottagnoud avait même poussé l’extravagance jusqu’à un vin dans le style oxydatif et muté andalou, au retour d’un voyage à Jerez.

Curieusement, 2021 a plutôt convenu à l’amigne: le cépage local a bien résisté au mildiou et a pu mûrir longuement, atteignant de hauts degrés de maturité. Ainsi, le Clos des Perdrix frise les 15 % d’alcool. L’amigne n’est pas un cépage facile d’accès: il faut l’ex-pliquer, la faire déguster, et en mettre de côté quelques bouteilles pour en découvrir le vrai potentiel après quelques années...

En attendant la 2013, puis ensuite un grand saut jusqu’en 2019, 2020 et 2022, que Madeline Hall- Gauye a déjà «oubliées» en cave, on peut goûter à l’amigne jaune 2011, mise en bouteille en 2021. Un vin unique, resté dans sa gangue de bois durant dix ans, sans jamais avoir été ouillé. Résultat: l’eau s’est lentement évaporée et l’alcool s’est concentré, affiché à 19 %! A la dégustation, un nez de noix et des arômes qui rappellent le whisky non tourbé et une forme de rondeur, avec une longueur inédite pour un vin sec. Mais la cave produit une majorité de rouge. Hormis les cépages rhodaniens que sont l’humagne rouge, la syrah et bientôt le cornalin (annoncé pour ce millésime), elle se distingue par trois rouges particuliers, élevés en barriques (des Réserves en fûts): un rare carminoir, un diolinoir pur et un cabernet franc dont le premier millésime est 2020, resté deux ans en fûts. Après une transition, forcément délicate, la Cave des Tilleuls paraît sur la bonne voie.

(Pierre Thomas)


Davantage d’informations:

fabiennecottagnoud.ch