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L’art de déguster un fromage comme et avec un vin

Alexandre Centeleghe spécialiste en œnologie, a animé un atelier ludique et instructif, où l’élasticité d’une pâte molle peut ­rejoindre le fruité d’un nectar.

Dans le cadre de la treizième édition des Swiss Cheese Awards, début octobre, à Lugano, Alexandre Centeleghe spécialiste en œnologie, proposait un atelier de dégustation de vins et de fromages suisses. Il met aussi sur pied ce type d’atelier pour le grand public. Vins et fromages, deux industries, deux savoirs artisans qui partagent de nombreuses valeurs, même si leurs réalités divergent. Sur les 2000 tonnes de fromages produites, 37 % partent à l’export, emmenées par des marques locomotives: le Gruyère, l’Emmental et l’Appenzeller. Alors que sur les 148 millions de bouteilles produites, seules 2 à 3 % se retrouvent sur les marchés étrangers. Les ambassadeurs les plus connus de la viticulture du pays ne produisent pas assez pour exporter. Mais à coup sûr, ce type de dégustation à l’étranger pourrait aider les vins suisses à prendre un nouvel envol.

Déguster d’abord séparément

Enseignant à l’Ecole hôtelière de Lausanne, Alexandre Centeleghe décrit ainsi l’exercice: «Une pratique de dégustation beaucoup plus habituelle dans le monde du vin que dans celui du fromage. Bien que tout un lexique peut aussi se prêter à l’analyse d’un fromage. Homogène, irrégulier, friable, élastique, fin, rigide, crémeux, dur.» L’habile dégustateur formé auprès du critique américain James Suckling propose de reprendre le rituel du vin pour le fromage. En inspectant sa couleur, en le sentant, puis en l’ingurgitant par petites bouchées. Le dégustateur suggère de goûter d’abord séparément le fromage, puis le vin. Puis seulement dans un deuxième temps de les apprécier ensemble. «Evidemment on ne peut pas recracher le fromage», sourit l’enseignant. En fromage, on parle de réserve ou de grande réserve pour des affinages de 6, 12, 24 ou 36 mois. Rarement un fromager propose une expérience plus longue. Même si techniquement un fromage peut se conserver une centaine d’année, mais il perd progressivement ses goûts contrairement au vin.

L’atelier d’Alexandre Centeleghe a démontré l’importance d’une connaissance fine des fromages pour les sommeliers. (dr)

Le premier accord propose de découvrir un chèvre frais de la Fattoria del Faggio, au Tessin. Avec son côté âcre, intense, doux, avec une légère acidité, on peut y trouver des parfums de pomme verte. Le voilà proposé en lien avec un merlot blanc 2023 du domaine de Moncuchetto, dont le chais fut construit par Mario Botta. Un vin à la robe pâle vinifié en cuve qui exhale un nez de grapefruit et de fleurs blanches. Le nectar prend de la complexité en accord avec le fromage. Et cela fait ressortir ses arômes de zestes de citron. Le deuxième accord présente un fromage que l’on retrouve sur plusieurs tables étoilées suisses, la tomme fleurette de Rougemont, qui entre en dialogue avec un chasselas 2022 de la cave de l’Abbatiale de Payerne, sur des vignes à Villette. Un fromage coulant, élastique, crémeux et élégant qui dialogue avec la minéralité du vin. Le vin rafraîchit la bouche et fait ressortir l’amertume du fromage.

Les dégustations de ce type contribuent à la promotion des vins suisses. (dr)

Une dimension herbacée

Le troisième accord met en lien un Gruyère 18 mois aux notes de foin et de caramel, avec un vieux Dézaley, La Borne 2000 de Testuz. Sec mais envoûtant, avec ses arômes de pêche et de coing, ce vin d’émotion donne encore plus de longueur en bouche au fromage. Le quatrième accord part plus directement sur une idée d’opposition. Entre la puissance d’un vacherin fribourgeois affiné pendant neuf semaines, associé à un Räuschling zurichois, de Nadine Saxer 2023. Il semble en retrait timide, malgré de beaux arômes de pêche blanche. A l’aveugle, il ressemble presque à un Vinho Verde. Le cinquième accord convie un sbrinz d’alpage, ce morceau du plus ancien représentant des pâtes extra-dures de Suisse se mêle aux notes poivrées d’un merlot blanc de la Cantina Mendrisio 2023, aux arômes d’abricots et de poires. Les deux se fondent l’un dans l’autre, comme un coussin qui accompagnerait le fromage. Le dernier accord convoque un Appenzeller Black Label, vieilli pendant 6 mois, à dialoguer avec une Bondola rosée 2023 de la Cantina Mondo, aux arômes d’orange et de chinotto. Ensemble ils vivifient la dimension herbacée des deux produits.


«Tout un lexique peut se prêter à l’analyse d’un fromage»

Alexandre Centeleghe, enseignant à l’ehl


Le soir venu, on prolonge l’exercice avec le fromage sacré meilleur chèvre pâte molle 2024, O’Lait, d’Agnès Spielhofer Beroud, à Saint-Imier. Le côté élastique, fondant, très délicat et cendré sur le dessus, forme un étonnant pacte avec une liqueur de noix tessinoise Noos, du producteur Branchi, amère, onctueuse, mielleuse. La journée avait commencé avec d’autres accords mêlant les effluves chauds et profonds du café avec du fromage présenté par le barista de la marque Carlito. Une expérience un peu moins aboutie et convaincante que celle du vin. Mais l’accord entre un 100 % robusta de Tanzanie, à la couleur très obscure, aux arômes de chocolat noir et à l’amertume rock’n’roll, entre en joli choc frontal avec un Emmentaler 2018, élevé à plus de 1000 mètres. Le duo impressionne avec son final sucré.

(Alexandre Caldara)


Davantage d’informations:

fromagesuisse.ch

cheese-awards.ch/ch-FR