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Coup de sac à Slow Food, qui se sépare de son trio de tête

Le départ abrupt du directeur et des coprésidents Zisyadis et Kälin reflète les dissensions de la section suisse du mouvement international.

Né à Rome en 1986, le mouvement Slow Food, présent dans 160 pays, défend les traditions alimentaires locales. (DR)

Fin août 2020 déjà, l’assemblée avait été houleuse: les délégués des 19 sections locales (ou conviviums) et représentants des quelque 3700 membres de Slow Food Suisse étaient réunis en Valais pour la présentation des derniers projets et la réélection de sa présidence. Un débat sur la gouvernance et notamment le montant de la cotisation avait révélé la présence de deux camps antagonistes. Au terme d’une élection quelque peu théâtrale, le ticket Josef Zisyadis-Irene Kälin l’avait finalement emporté. A des adversaires mal préparés, au programme vaguement brouillon, l’ancien politicien vaudois et créateur de la Semaine du Goût et sa colistière, la conseillère nationale verte argovienne, avaient opposé une vision axée sur la professionnalisation de l’association.

Une démission avec effet immédiat

Un an plus tard, rien ne va plus: après avoir été minorisé à plusieurs reprises, le tandem vient de démissionner avec effet immédiat. Ce départ fait également suite à l’annonce du départ d’Alexandre Fricker, directeur depuis 2016 et proche de Josef Zisyadis, qui prendra effet fin septembre. Très peu disert sur le fond de l’affaire, le comité de Slow Food se borne à évoquer des «divergences stratégiques» par la voix de son porte-parole Mariano Masserini. Qui indique également que la tendance sera désormais à «renforcer le pouvoir de la base et des conviviums – la ligne actuelle, plus horizontale, visant à se rapprocher des producteurs». La direction de la section suisse sera assumée, pour l’année en cours et jusqu’à la prochaine assemblée générale, par le comité actuel de cinq personnes, «en contact étroit avec le mouvement international qui l’a assuré de son plein soutien», souligne Mariano Masserini.

Deux visions s’affrontent

Alexandre Fricker, qui s’apprête à prendre la direction de la PME valaisanne Opaline, a développé dans les régions plusieurs programmes créés par le mouvement international: Slow Wine, l’Alliance des chefs ou encore Slow Travel, fait-on observer dans le camp adverse. Ce dernier projet semble du reste emblématique des dissensions actuelles, puisqu’on s’est querellé sur la question de savoir si le slow tourism devait s’ouvrir à des destinations internationales, avec à la clef l’émission indésirable de gaz à effet de serre, ou se concentrer sur des destinations suisses. De son côté, Josef Zisyadis considère avoir fait avancer notablement tous ces chantiers, en s’entourant d’une équipe dédiée et professionnelle: «Le nombre des restaurants membres de l’Alliance des Chefs est passé à 130 ces dernières années, les programmes Slow Wine et Slow Travel ont été mis en place avec succès, le nombre de produits protégés (Presidi et Arche du goût) porté à 97.» Le président démissionnaire considère qu’on l’a empêché de travailler et ne souhaite pas s’exprimer davantage sur les raisons de son retrait.

Deux visions s’affrontent, souligne un membre et observateur de longue date, souhaitant rester anonyme, et, à partir de là ont surgi des questions de personnes et de pouvoir. «D’un côté, les mâles blancs alpha vieillissants, bons vivants et amateurs de bonne chère, les gardiens de l’ancien monde; de l’autre, une nouvelle génération plus urbaine et féministe, désireuse d’un engagement marqué et d’un virage stratégique, en conformité avec le mouvement mondial.» Entre ces différents modèles (militants ou hédonistes, bénévoles ou salariés, gouvernance horizontale ou pyramidale), la section suisse du mouvement devra à terme trancher.

(Véronique Zbinden)


Davantage d’informations:

www.slowfood.ch/fr/slow-food