A la suite de sa victoire au Cuisinier d’Or, Paul Cabayé quitte ces jours la Suisse pour le Luxembourg. Retour sur un parcours exemplaire.
Juste avant de dire au revoir à ses collègues, Paul Cabayé aura vécu une dernière fois le frisson du service au Restaurant de l’Hôtel de Ville de Crissier. Depuis sa réouverture le 1er juin, la maison affiche complet. Ce jour-là, comme les suivants, le cuisinier de 28 ans était à son poste de sous-chef. Un peu fatigué en raison du marathon qu’ont été la préparation et la participation au Cuisinier d’Or, mais galvanisé par sa victoire. «La pression était grande. Tous les collègues ou presque qui l’ont tenté avant moi l’ont remporté. Mais la chance est d’avoir pu bénéficier en amont de leurs conseils», explique le Vaudois d’adoption, qui s’apprête ces jours à quitter la Suisse pour le Luxembourg, où on lui a proposé de devenir chef de cuisine d’un établissement étoilé. Un crève-cœur pour Franck Giovannini? «Oui, comme à chaque fois qu’un de nos cuisiniers s’en va. Néanmoins c’est la règle du jeu: quand ils ont la maturité et la compétence, on ne peut pas les retenir», confie le double vainqueur du Cuisinier d’Or.
Au Luxembourg, Paul Cabayé travaillera dans la continuité de son prédécesseur. Mais il arrivera aussi avec ses propres idées. Durant plusieurs semaines, il a d’ailleurs planché sur la carte, qu’il dévoilera à la fin du mois, rognant ses nuits de sommeil – car dans le même temps il préparait le concours et des plats à emporter – pour esquisser les contours d’une offre à laquelle il aimerait donner une connotation très végétale. «Ce ne sera pas végane comme chez Daniel Humm à New York, la viande et les produits de la mer seront travaillés, mais les jeunes générations ont un message à faire passer: l’agro-industrie, ça suffit. Il faut à tout prix valoriser les éleveurs qui prennent soin de leurs bêtes, ainsi que les parties basses de l’animal. Pour ma part, j’apprête volontiers les abats ou les pieds de cochon.» Dans le même esprit, il milite pour un respect strict des saisons, adressant une critique sévère aux pères de la gastronomie française: «Ils ont tué l’idée de saisonnalité. Par chance, les mentalités évoluent et la prise de conscience est irréversible.»
La forme d’authenticité qu’il revendique, on la retrouve dans son parcours. Il apprend le métier dans un petit restaurant de Sedan, situé dans les Ardennes, d’où il est originaire. Pas d’étoile et une carte simple, tout ce qu’il lui fallait, dit-il, pour nourrir une passion pour la cuisine née dans l’enfance et confirmée au lycée, alors que ses parents, tous deux professeurs, auraient volontiers imaginé qu’il marche sur leurs traces. A la suite de son apprentissage, il envisage de s’installer à Perpignan, la région de son père; une agence de recrutement lui propose un poste en Haute-Savoie. Il accepte et participe à l’ouverture de la Maison des Bois de Marc Veyrat à Manigod – «une belle expérience, et pas seulement au niveau culinaire». Par la suite, il travaille encore chez Jean Sulpice et Alexandre Couillon, avant de remporter en 2019 le 5e Challenge culinaire du Président de la République.
Quant à son passage en Suisse, Paul Cabayé en gardera un souvenir fort. D’une part, il a pu gravir les échelons à Crissier, où il a été engagé en 2017 comme commis avant de devenir chef de partie puis sous-chef. D’autre part, il a trouvé dans ce pays qu’il n’avait jamais visité auparavant un territoire rêvé pour pratiquer les sports qu’il affectionne – vélo, course à pied, ski de randonnée – au contact d’une nature souvent spectaculaire. Au Luxembourg, le décor sera forcément moins escarpé, mais l’heure n’est pas au tourisme: «C’est une opportunité que je devais saisir!»
(Patrick Claudet)