S’ils craignaient une baisse drastique du nombre de nouveaux contrats d’apprentissage, les professionnels romands de la formation constatent que la relève est au rendez-vous en cette rentrée 2021.
On se rappelle qu’en début d’année avaient fleuri partout en Suisse romande des initiatives visant à pallier le manque de pratique des jeunes effectuant leur formation initiale dans les métiers de l’hôtellerie-restauration (cf. HGH n° 4/2021). Une démarche couronnée de succès, eu égard au fort taux de réussite enregistré lors des procédures de qualification, mais qui n’a pas empêché les professionnels de la formation d’imaginer, durant l’été et à leur corps défendant, le scénario catastrophe d’une rentrée boudée par la relève à cause des fermetures à répétition imposées par la pandémie.
A Genève, la crainte était d’ailleurs vive au début du mois de juin. «Nous avions alors reçu seulement cinq contrats d’apprentissage et les perspectives n’étaient pas réjouissantes. Mais les mesures financières décrétées par l’Etat – prime de 3000 francs pour toute nouvelle entreprise formatrice et prise en charge des trois premiers mois de salaire – ont été un bon levier à l’embauche», explique Guillaume Saehr, conseiller en formation au sein du Département de l’instruction publique. Conséquence: les contrats sont progressivement arrivés durant l’été, et, sans même compter ceux qui pourront être enregistrés d’ici à fin octobre grâce au report de la date limite, le Canton annonce des chiffres stables par rapport à 2020, voire supérieurs en comparaison de 2019. C’est le cas pour les cuisiniers CFC, au nombre d’une quarantaine, dixit Laurent Baechler, responsable des cours interentreprises au sein de la Fédération des Entreprises Romandes Genève. «En dépit du contexte difficile, les entreprises et les formateurs se mobilisent. C’est réjouissant, car si nous n’avions pas été en mesure de former de nouveaux apprentis, le risque aurait été grand de voir s’aggraver à terme la pénurie de main-d’œuvre qualifiée», relève celui qui est impliqué dans 19 associations professionnelles, dont Hotel & Gastro Formation Genève.
L’attrait de la branche auprès des jeunes se confirme aussi à Neuchâtel, où Corinne De Marco, cheffe de l’office des apprentissages au Service des formations postobligatoires et de l’orientation, livre des chiffres très positifs en termes d’embauche.
«En date du 9 septembre, et alors que la date limite a été repoussée à fin octobre, nous comptabilisions 71 nouveaux contrats d’apprentissage dans l’hôtellerie-restauration, contre 63 au 31 août 2020 et 64 au 30 septembre 2019. Malgré la pandémie, la tendance est réjouissante.» Parmi les raisons de ce regain d’intérêt figurent les mesures d’accompagnement promulguées par le Canton, sous la forme d’une part du «contrat formation» qui offre un soutien financier aux entreprises formatrices, et, d’autre part, d’une prime Covid exceptionnelle de 2000 francs pour les contrats de première année en cette rentrée.
Si les mécanismes d’aide jouent à coup sûr un rôle incitatif important, ils n’expliquent pas tout. C’est l’avis de Thierry Tortet, chef de pôle au sein de la Direction générale de l’enseignement postobligatoire du Canton de Vaud, qui enregistre un nombre record de nouveaux contrats chez les cuisiniers CFC (160 à ce jour, la date limite étant elle aussi décalée à fin octobre), ainsi qu’une quarantaine chez les spécialistes en restauration CFC, alors que la mesure visant à couvrir en 2020 la moitié du salaire des apprentis n’a pas été renouvelée cette année. «Le levier financier n’est peut-être en fin de compte pas le seul efficace et je m’en réjouis. Le succès de cette rentrée s’explique difficilement, mais il doit nous encourager à réfléchir à l’attractivité de nos métiers», observe Thierry Tortet, qui partage avec Eric Dubuis, directeur de Hotel & Gastro Formation Vaud, la conviction que tout doit être entrepris pour garder les apprentis dans la branche à l’issue de leur formation initiale.
A Fribourg, la crainte d’une rentrée en demi-teinte a également étreint Philippe Nicod, doyen à l’Ecole professionnelle artisanale et industrielle (EPAI): «Les contrats sont arrivés au compte-gouttes durant l’été et les chiffres sont plutôt bons, avec environ 70 cuisiniers CFC, dont 60 francophones.» De son côté, Marco Stöckli, président de Hotel & Gastro Formation Fribourg, regrette la baisse des effectifs dans le service, mais il croit à la valorisation du métier de spécialiste en restauration. «Le conseil personnalisé, la vente active et la connaissance des produits sont la clé», dit-il en substance.
Quid du Valais? En cette rentrée, il se distingue par le lancement d’une formule inédite, l’apprentissage dual-mixte. «Ce dernier comprend une année en école des métiers et deux en entreprise. L’avantage est de faciliter l’intégration dans le monde du travail en misant la première année sur des cours et stages», explique Steve Delasoie, président de Hotel & Gastro Formation Valais. Du coup, le nombre de cuisiniers CFC est passé de 34 en 2020 à 43 en 2021, dont 18 en dual-mixte, et celui de spécialistes en restauration CFC de 12 à 28. La preuve que la branche, si elle est en première ligne face à la pandémie, sait faire preuve de résilience.
(Patrick Claudet)