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Le vignoble tessinois mise sur les piwis

Le «merlot bianco» a peut-être vécu ses heures de gloire. Place aujourd’hui à des vins tirés de cépages résistants, les piwis.

Le Tessin a un climat extrême, avec autant de soleil que de pluie. (DR)

Dans ce climat à la fois très ensoleillé (par an, plus de 2000 heures de soleil) et très humide (par an, plus de 2000 mm de pluie), le merlot a conquis une place sans partage. Au point que les autres cépages rouges sont inférieurs en surface aux blancs, qui connaissent un regain de succès. Il y eut d’abord le chardonnay et le sauvignon blanc: pour les deux, le Tessin figure au troisième rang en surface, derrière le Valais et Genève, juste devant Vaud.

Les «piwis» dans le vent

Aujourd’hui, ce sont les «piwis» (abréviation allemande pour les cépages résistants aux champignons de la vigne) qui sont dans le vent. En tête, le johanniter (6 ha), devant le souvignier gris (2 ha), le muscaris (2 ha) et le sauvignac (VB Cal 6-04) sur 1,7 ha. S’ajoute, de l’ancienne génération, le solaris (2,5 ha). Riche en sucre et très précoce, ce dernier convient à des vins doux ou demi-doux, tel le «None» des frères Bianchi, vinifié en barriques, à la fois dense, vif et fumé. Ce petit domaine familial de 5,5 ha est un pionnier de Bio Suisse depuis 1998: le jeune œnologue Gabriele Bianchi en préside depuis cette année la section tessinoise.

Place à des cépages blancs diversifiés


Le johanniter a aussi les faveurs de Valentina Tamborini. La trentenaire, fille de Claudio, veut donner une orientation résolument «durable» à la vénérable maison du nord de Lugano. Elle proposait déjà son «Vivi», un johanniter élevé en barrique, et elle a lancé pour la première fois ce printemps, sous des étiquettes colorées, la ligne «La Rinascita», cinq vins de «piwis» tirés de 2 ha au domaine de la Vallombrosa. Quatre sont purs et le cinquième est un assemblage de johanniter et de muscaris, au nez floral de glycine, légérement muscaté, vif et frais. D’autres producteurs misent sur les assemblages. Ainsi Meinrad Perler, à Agriloro, dans le Mendrisiotto. Il cultive déjà 18 % de blanc sur ses 22 ha: «Je veux arriver à 40 %», lance cet octogénaire. Son vin le plus vendu est le «Granito», composé de 40 % de chardonnay, 30 % de pinot blanc, 20 % de sauvignon et 10 % de pinot gris, qui passe une dizaine de mois en fûts de 500 litres. Perler offre désormais une alternative aux blancs boisés: un chardonnay, un pinot blanc, et, depuis cette année, un gewurztraminer, vinifiés en grosses jarres («amphores») de terre cuite de 1700 litres.

Assemblage et élevage

L’assemblage, c’est aussi la voie suivie par Gialdi, à Mendrisio. Son récent «Sassi Grossi bianco» est un assemblage à majorité de chardonnay, avec un peu de sauvignon et du pinot noir vinifié en blanc, fermenté en barriques neuves, sans malo. Quant à la Cantina Monti, elle a remporté une des 79 grandes médailles d’or du Frankfurt International Trophy avec son «Malcantone Bianco di Cademario» 2019, assemblage de 55 % de Müller-Thurgau, 30 % de chardonnay et 15 % de pinot gris, un vin gras, aromatique (litchi), marqué par l’élevage et le bâtonnage des lies neuf mois en barriques. Les Tessinois aiment combiner les cépages et «construire»leurs vins. Elevage à l’appui, le «merlot bianco» fait de la résistance. Plusieurs producteurs en proposent une version «luxueuse». Ainsi, le «Roncaia bianco», de Vinattieri à Ligornetto (repris par Transgourmet, du groupe Coop), cueilli deux semaines avant le rouge, vinifié en barriques et bâtonné pour lui donner du gras, explique Michele Conceprio, directeur depuis peu de la cave. Cet œnologue officiait auparavant au Castello di Morcote, qui élabore, dans sa superbe nouvelle cave, un merlot en blanc, assemblé à 10 % de chardonnay, vinifié et élevé en fût de chêne. Une option prise par Paolo Basso pour son «bianco di merlot», «Bianco di Chiara», élégant et structuré, élevé par l’œnologue Alfred de Martin (Gialdi), «un vin qui traduit mon passé de sommelier: il se présente bien à table avec des plats en sauce crémées, des risottos ou des pâtes au fruit de mer.» Passe-partout et aromatisé à la vanille du chêne, comme le «Bianco di Rovere», succès commercial au crédit de Guido Brivio, le «merlot bianco» garde ses adeptes. Notamment en Suisse alémanique!

(Pierre Thomas)


Davantage d’informations:

www.ticinowine.ch