Mesure symbolique, voire purement politique pour les uns, la récente annonce du Conseil fédéral divise. Résumé et tour de tables.
Pour Gastrosuisse, il s’agit d’un premier signal allant dans la bonne direction, mais les raisons de cette décision demeurent «totalement incompréhensibles» et celle-ci constitue «une inégalité de traitement, notamment si on la rapporte à l’ouverture des espaces intérieurs des cinémas et autres fitness». Une position confirmée par l’avis de droit récent de deux juristes alémaniques, qualifiant «le processus décisionnel du Conseil fédéral d’illicite».
Selon l’association faîtière, il y avait lieu de prendre en compte «l’avancée de la campagne de vaccination et la situation maîtrisée du réseau hospitalier», aux antipodes de «la communication anxiogène du Conseil fédéral». Plus précisément, «cet apparent assouplissement n’est pas assorti de perspectives claires, d’un calendrier, nous ne savons toujours pas où nous allons», relève Muriel Hauser, présidente de Gastrofribourg. Pour qui l’annonce du gouvernement est «symbolique, une mesure psychologique pour la population, mais à aucun moment pour les restaurateurs».
«En plus d’être inégalitaire, la question de la météo la rend aussi très aléatoire. Ce sera à chacun d’analyser ses infrastructures, leur emplacement et de peser le pour et le contre quant aux perspectives offertes par une terrasse», ajoute Muriel Hauser. La restauratrice souligne enfin que «c’est formidable de vouloir rouvrir pour faire plaisir à sa clientèle mais sous nos climats la chose est difficilement rentable». Pour prendre deux exemples voisins, tous deux en Gruyère, ils font deux choix différents. La très bucolique Pinte des Mossettes de Nicolas Darnauguilhem (mille mètres d’altitude, tout de même) restera fermée pour l’heure. Trop froid. Trop aléatoire. Impossible de se rabattre à l’intérieur en cas d’averse. A quinze minutes de là, Virginie Tinembart (Café Paradiso, Bulle) a finalement décidé qu’elle ouvrirait sa petite terrasse urbaine, protégée par une marquise et peut-être des coussins chauffants, «à partir de 18 degrés. En avril, la météo est tout sauf franche et peut changer subitement, c’est vraiment compliqué à gérer!»
Ils seront sans doute un nombre assez réduit à profiter ainsi du jour de la réouverture «officielle», vu la fraîcheur qui s’annonce. «Il faudra sans doute attendre au moins une semaine pour y voir plus clair sur les choix de nos membres et la rentabilité qu’on peut légitimement en attendre», note aussi André Roduit, président de Gastrovalais.
Sion a ces jours ses airs de cité méditerranéenne et on se dit que beaucoup de terrasses pourraient ouvrir mais que feront les restos d’altitude? «Concrètement: dois-je faire revenir mon cuisinier si c’est pour servir dix plats du jour? Comment gérer les commandes de produits périssables? Comment organiser ses équipes? Engager du personnel pour la rentrée ou rester dans l’attentisme?», se demande le restaurateur valaisan, qui ajoute être «content pour les hôteliers, qui ont eu la chance de pouvoir rester ouverts et faire à manger à leurs clients. Mais je dois tout de même dénoncer une différence de traitement inexplicable. On ne nous a jamais donné de chiffres pour justifier le traitement réservé aux restaurants. Alors que quand vous prenez le train Berne-Zurich, vous êtes quasi réduit à monter dans les filets à bagages tellement c’est bondé: où est la cohérence?»
On l’aura compris, les patrons d’établissements font preuve d’un degré d’acceptation – voire de satisfaction – variable de ces mesures, mais tous s’avouent soulagés que le dispositif d’aide demeure inchangé.
Au fond, la véritable question est peut-être de savoir si l’on entend investir dans des moyens auxiliaires pour protéger sa terrasse tels que chaufferettes et autres coussins chauffants. La plupart des moyens de chauffage électriques et à gaz sont interdits en Suisse, le recours aux énergies vertes étant généralement seul admis. Mais là encore, autre inégalité criante due au fédéralisme, chaque canton, voire chaque ville applique sa propre législation, voire subventionne l’achat de certains accessoires.
(Véronique Zbinden)