Partout en Suisse romande fleurissent les initiatives visant à pallier le manque de pratique dont souffrent les jeunes en formation.
La fermeture imposée des établissements publics prive les apprentis d’une composante essentielle de leur formation duale: la pratique. C’est pour pallier ce manque que les partenaires sociaux se mobilisent dans toute la Suisse romande pour offrir des cours de soutien à celles et ceux qui débutent dans le métier ou préparent leurs procédures de qualification.
Avec plus de 600 jeunes actuellement en formation, Vaud est le canton romand qui compte le plus d’apprentis dans la branche. «Il y a une perte de repères et certains lâchent prise car ils n’ont plus la possibilité de pratiquer leur métier», explique Eric Dubuis, directeur de Hotel & Gastro Formation Vaud (HGF-VD). En concertation avec l’Ecole professionnelle de Montreux et la Direction générale de l’enseignement postobligatoire, il a mis sur pied une série d’initiatives qui se déploieront jusqu’à fin mars dans les locaux de HGV-VD à Pully. Pour la cuisine, trois modules d’une journée s’articuleront autour de la viande, de la volaille et du poisson, tandis qu’un module dédié à la pâtisserie réunira des groupes de six à sept apprentis, et qu’une journée sera dédiée aux AFP. «En ce qui concerne le service, nous avons créé deux cours: le premier est centré sur l’encadrement des hôtes et le second sur la connaissance des produits et la prise de commande. Dans les deux cas, le programme sera complété par la mise en place des tables, le service des mets et la facturation», détaille Eric Dubuis. Dans l’ensemble, les mesures implémentées par HGF-VD représenteront 140 jours-apprentis répartis sur un mois. Last but not least, un restaurant d’application éphémère ouvrira le 15 mars à Vidy, après que le Conseil d’Etat vaudois a validé le projet lancé par HGF-VD et ses partenaires.
Inédites dans leur ampleur, ces mesures se veulent à la hauteur du défi auquel sont aussi confrontés tous les cantons. L’enquête menée en Suisse romande montre d’ailleurs l’urgence de la situation. Car si la motivation de nombreux apprentis reste intacte, beaucoup d’autres se sentent perdus et livrés à eux-mêmes, allant jusqu’à questionner leur choix professionnel, ce qui prouve que la multiplication des cours pratiques répond à un besoin pressant. «Les cours de soutien que nous avons ouverts en février pour les spécialistes en restauration se sont remplis en l’espace de 24 heures», lance Steve Delasoie, président de Hotel & Gastro Formation Valais, qui collabore étroitement avec l’Ecole professionnelle de Sion et le Service de la formation professionnelle. L’initiative, qui concerne aussi les cuisiniers, vise d’abord les apprentis en fin d’apprentissage, mais ceux de 1re et 2e années ne sont pas oubliés. «Nous aidons en effet les jeunes en formation dans la restauration traditionnelle à chercher des places dans la restauration collective. Rien que la semaine dernière, nous en avons trouvé quatre.»
A Fribourg, Roland Chervet, chef de projet, annonce lui aussi la mise en place d’un concept visant à soutenir les apprentis grâce à un partenariat entre le Service de la formation professionnelle, l’Ecole professionnelle (EPAI), Gastrofribourg et Hotel & Gastro Formation Fribourg. A côté d’un volet administratif, le concept comprend un volet pratique sous la forme de cours auxquels les apprentis s’inscrivent selon leurs besoins, et qui s’ajoutent au cours professionnel obligatoire. «Nous avons créé un module sur deux jours avec quatre apprentis cuisiniers et quatre spécialistes en restauration. Ce dispositif sera complété dès juillet par des cours facultatifs à l’EPAI pour les apprentis de 1re année. »
Sous l’égide d’une task force cantonale créée pour contrer les effets de la pandémie, Neuchâtel a de son côté développé un ensemble de mesures articulées en quatre axes: stages pratiques (destinés à 12 apprentis CFC et employés de cuisine AFP de dernière année), ateliers et journées de cours pratiques (pour 60 apprentis en cuisine AFP et CFC et 13 apprentis en restauration AFP et CFC), actions en entreprises (durant lesquelles 15 apprentis ont pu pratiquer leur métier à La Chaux-de-Fonds et Neuchâtel) et modules pratiques (pour les apprentis de 1re et 2e années CFC). Une manière d’identifier et combler les éventuelles lacunes, dixit Yves Pelletier, directeur de l’Ecole des arts et métiers du CPLN, pour qui le principal défi est que les apprentis obtiennent leur certification.
Dans le Jura, les apprentis bénéficient eux aussi d’un programme ad hoc. «D’une part, nous organisons des cours de soutien calqués sur les cours interentreprises, et qui ont démarré la semaine dernière. D’autre part, nous avons mis en place des examens blancs afin de confronter les jeunes aux conditions des procédures de qualification, une mesure financée par Gastrojura», explique Yves Petignat, président de Hotel & Gastro Formation Jura, qui n’exclut pas l’organisation de cours de soutien plus tard dans l’année.
A Genève, les cours de renforcement pratique sont gérés par Thierry Schlatter, directeur de la restauration à l’Ecole hôtelière de Genève, qui organise les cours interentreprises de cuisine et service. «Le canton compte environ 230 apprentis. Notre mission a été d’évaluer lesquels avaient le besoin le plus urgent de soutien, en nous concentrant d’abord sur celles et ceux qui terminent cette année, et à qui nous proposons un module de huit jours en mars, dont quatre sont dévolus à la théorie et quatre à la pratique. Dès avril, la liste des bénéficiaires va progressivement s’élargir.» Quid du moral des troupes? Thierry Schlatter relève une grande disparité entre apprentis. «Certains gèrent bien la situation, d’autres sont confrontés à des difficultés professionnelles ou familiales. D’où l’importance d’être à l’écoute et proactifs.»
(Patrick Claudet)
Hotel & Gastro Union se tient à la disposition des apprentis pour toute question concernant leur formation.
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