Ils n’ont pas dû fermer leurs caves, à l’inverse des cafés et restaurants, mais les vignerons suisses veulent être indemnisés et réclament une aide «massive» à la promotion.
Les conseillers nationaux tessinois Marco Romano, président de l’Interprofession de la vigne et des vins suisses, et vaudois Frédéric Borloz, président de la Fédération suisse des vignerons, l’ont écrit au Conseil fédéral, le 12 janvier, soit la veille de l’annonce par le gouvernement de nouvelles mesures valables jusqu’au 28 février. La lettre réclame que «la Confédération couvre intégralement [les] pertes sur la base des chiffres d’affaires de 2015 à 2019». La fermeture ordonnée par les autorités des établissements publics engendrerait une perte de 40 % du marché, soit l’équivalent pour la branche de 50 millions de francs par mois. Les vignerons demandent donc «une idemnisation, notamment à fonds perdu» pour «la vitiviniculture et la restauration, immédiatement et sans complications».
Mais les caves ne sont pas fermées! Les vignerons vaudois ont pu émarger aux deux vagues de l’opération WelQome, soit des bons commandés sur Internet octroyant un rabais de 20 % aux acheteurs et une plus-value de 10 % au producteur, qui s’est terminée à mi-janvier. Le Valais avait aidé les caves à approvisionner, avec une aide cantonale, les cafés et restaurants. Le milieu a dû se réinventer. Ainsi, l’Office des vins vaudois a supprimé les «caves ouvertes», remplacées par un pack «Vaud à la carte» de 30 francs à faire valoir après avoir pris rendez-vous avec un vigneron via le site www.mescavesouvertes.ch. A mi-janvier, 1600 packs avaient été distribués. Début février, l’OVV a vendu sur son site Internet ses propres bons avec rabais. Ils se sont arrachés en un quart d’heure, pour un chiffre d’affaires de 150 000 francs. Le directeur de l’OVV, Benjamin Gehrig, confirme que les «caves ouvertes» n’auront pas lieu, non plus, en 2021, l’inscription «sur rendez-vous» étant prévue au moins jusqu’à fin août.
A Neuchâtel, comme chaque troisième mercredi de janvier, en vertu d’un arrêté du Conseil d’Etat, le premier vin suisse de l’année – le chasselas non-filtré – a été mis en vente. Parmi la trentaine de caves inscrites auprès de l’Office des vins et des produits du terroir (OVPT), plusieurs ont proposé une «vente à l’emporter». Mais impossible de faire déguster les vins, sauf si les clients prennent rendez-vous «pour une dégustation planifiée en privé», indique un producteur. La nouvelle responsable de l’OVPT, Mireille Bühler, a précisé, toutefois, dans une conférence de presse transmise par vidéo, que la fermeture des établissements publics n’a «rien d’alarmant» pour le non-filtré, dont le succès va grandissant en Suisse alémanique.
Il a aussi fallu faire preuve d’imagination: du 20 au 24 janvier, une «chasse au non-filtré» s’est déroulée via une application pour smartphone. Il s’agissait, sur la base d’indices dévoilés chaque jour, de trouver des coffrets de vin cachés dans la région neuchâteloise et des deux Juras, ou de répondre à un quiz, pour décrocher des lots d’une valeur de 15 000 francs.
Faute de l’avoir goûté, comment se présente ce non-filtré 2020? Louis-Philippe Burgat, de la cave de Chambleau, l’a décrit comme un cru «riche et opulent» et moins trouble que ces dernières années. Car le chasselas a souffert du froid à la floraison, puis, après un été et un automne chauds, avec des vendanges précoces, il était prêt rapidement en cave. Et le vigneron de conclure, en vidéo: «Un verre de non-filtré est bon pour la santé, et le reste de la bouteille, pour le moral!»
(Pierre Thomas)