Franck Giovannini reste seul à la barre du Restaurant de l’Hôtel de Ville. Brigitte Violier est évincée.
Nouveau logo, nouvelle enseigne, nouvelle direction et nouveau chargé de communication: les récents changements survenus à l’Hôtel de Ville de Crissier pourraient être davantage qu’une simple formalité. Comme l’annonçait le communiqué sibyllin publié la veille de la réouverture estivale du restaurant, Franck Giovannini ajoute une deuxième casquette à la cuisine et inscrit son nom au fronton de l’établissement triplement étoilé en prenant «la direction du restaurant dont il a été nommé chef en 2016».
Cinquième chef à la tête de l’établissement – après les Girardet père et fils, Philippe Rochat dès 1996, puis Benoît Violier de 2012 à 2016 et son décès – «Franck Giovannini poursuit la ligne gastronomique de ses prédécesseurs», indique le communiqué.
Rendue publique le 16 août dernier, la décision semble pourtant avoir été prise de longue date par les investisseurs, comme en attestent notamment les changements survenus sur le site de l’établissement, la création d’un nouveau logo et d’une nouvelle identité visuelle, d’un autre concept de communication, dont le nom et l’image de Brigitte Violier ont disparu.
Brigitte Violier, qui a permis à l’établissement d’assurer «une transition dans la continuité en maintenant la qualité et la réputation de la maison», selon le communiqué, aurait été une des dernières à l’apprendre… A ce stade, l’intéressée n’a pas souhaité commenter les événements. Pas plus qu’André Kudelski n’a été en mesure de s’exprimer, au côté des autres actionnaires historiques de Crissier Vera Michalski, André Hoffmann et Franz Wassmer.
Pour sa part, Franck Giovannini se dit très heureux de cette nomination, consécration d’une «année phénoménale où la clientèle est très présente, les réservations affichent complet midi et soir». Il s’agit ici pour le chef vaudois de 44 ans, d’une suite logique: «On en parlait depuis longtemps, c’est une évidence.»
La brigade s’est passablement renouvelée, rajeunie ces dernières années, et le Vaudois qui se retrouve à la tête de 58 employés se dit épanoui, bien que la chose lui paraisse encore «un peu bizarre». Egalement actionnaire depuis un an, Franck Giovannini souhaite à terme reprendre davantage de parts dans l’affaire, tout en soulignant combien c’est «fabuleux de devenir le patron après une telle lignée de chefs».
La raison sociale «Restaurant de l’Hôtel de Ville de Crissier», est désormais suivie du nom du nouveau patron. Présent à Crissier depuis 1996, à l’exception d’une parenthèse américaine, sous-chef de Philippe Rochat avant de devenir le second de Benoît Violier, Giovannini est un pur enfant du sérail. Habitué des concours – troisième au Bocuse d’Or 2007, trophée Escoffier en 2009 –, le chef dit avoir trouvé sa ligne, fidèle au grand classicisme de ses devanciers à Crissier: «Une évolution vers la légèreté, le végétal, un répertoire encore plus local, sans renoncer pour autant aux produits de la mer.» A terme, il entend aussi s’installer sur place avec sa famille, reprenant l’appartement occupé par ses prédécesseurs.
Quant à Brigitte Violier, elle fut la première à apporter une touche de féminité et de grâce à l’Hôtel de Ville – si l’on excepte Franziska Rochat. Elle avait notamment lancé un projet de gastronomie de l’extrême en collaboration avec plusieurs sportifs de haut vol, tels Géraldine Fasnacht et Steve Ravussin, dont on ignore s’il se poursuivra. Les investisseurs ont racheté les actions détenues par la famille Violier, qui devrait dès lors quitter les lieux. Selon une source proche, cette décision a été vécue comme un nouveau choc par la veuve de Benoît Violier.
Venue du marketing d’un groupe de cosmétiques de luxe, elle s’était considérablement investie dans la vie du restaurant dès 2012, au côté de son époux, puis au lendemain de sa mort brutale, dans la survie et la pérennisation de l’établissement auréolé de multiples distinctions. Brigitte Violier incarnait ainsi «la force tranquille et lumineuse de l’Hôtel de Ville», selon un site spécialisé, l’atout féminin au sein d’une maison et d’une brigade résolument masculines.
(Véronique Zbinden)