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Bordeaux outsiders narrés comme des autoportraits

En mai, Jean-Marc Quarin et Fabrice Léger reviennent à Lausanne pour la dixième fois. Beau duo improbable au service d’une vision nouvelle du vignoble de Bordeaux.

A ma gauche, Jean-Marc Quarin, le critique incisif et à contre-courant, qui défend les outsiders de Bordeaux. Il a rédigé depuis 1998 plus de 30 000 commentaires sur les vins de la région où il vit. A ma droite, Fabrice Léger, expert du marketing et de la relation client, qui se passionne pour les beaux flacons. Ensemble ils fondent en 2013, à Paris, les Rencontres Jean-Marc Quarin. Elles fêteront le 22 et 23 mai prochains, au Lausanne Palace, leurs dix ans sur le sol helvétique. Tout cela sur fond de crise, depuis plus d’une année, à Bordeaux, où on arrache massivement de la vigne, même si ces dernières semaines le sommelier Antoine Petrus ou le romancier Jean-Paul Kaufmann prennent la défense de ce vignoble.

Jean-Marc Quarin analyse la situation ainsi: «Le commerce des vins de Bordeaux repose depuis plus de 30 ans sur un système fermé de vente en primeurs à une cinquantaine de négociants. Après de grands succès cela s’essouffle. Je pense que tout peut ­repartir si les restaurateurs commencent à mettre sur leurs cartes des vins de Bordeaux pas chers et très bons. Et alors les voix que vous entendez s’élever en ce moment se situeront du côté des futurs vainqueurs.»

Depuis dix ans, les amateurs romands de Bordeaux outsiders ont pris l’habitude de se retrouver à Lausanne. (Photos dr)

Un lecteur devenu un complice

Mais revenons au duo Quarin-Léger. Pour une fois Fabrice Léger ­prend un peu plus de place à la demande express de Jean-Marc Quarin: «Vas-y-raconte…» Fabrice ­Léger sourit: «En 1995, je débute mon parcours initiatique dans le vin comme beaucoup de personnes en lisant le guide de Robert Parker. Mais je n’éprouve aucun coup de foudre pour les très rares 100 sur 100 à la portée de ma bourse. En 2002, à la suite de la découverte d’une chronique de Jean-Marc Quarin sur le Château Nairac, à Barsac, j’achète une bouteille. Et là, moi qui croyais ne pas aimer les liquoreux, je me sens en phase totale avec ce vin. J’aime sa suavité au point de le partager avec mon épouse.»


«Je pense que tout peut repartir si les restaurateurs mettent sur leurs cartes des vins de Bordeaux pas chers et très bons»

Jean-marc quarin, auteur et critique indépendant


Jean-Marc Quarin reprend le crachoir: «Il a aimé parce qu’il venait de découvrir la pourriture noble: un raisin botytrisé. A l’époque, les liquoreux se concevaient beaucoup par cryptoextraction, ce qui rend le vin épais et lourd.» Fabrice Léger s’abonne au site de Jean-Marc Quarin et sa femme lui offre alors un stage de dégustation auprès du critique: «Je craignais un peu, je pensais que cela s’adressait seulement à des professionnels.» Et là, l’homme du marketing éprouve un déclic: «Par la création des Rencontres, je suggère à Jean-Marc de mettre en avant des scénarios, de faciliter le parcours de visite, de proposer au consommateur de retirer quelque chose de l’acte d’achat. Jean-Marc pense alors à présenter les vins de la rive droite et de la rive gauche avec leurs cépages dominants.» Mais les deux hommes vont plus loin. Ils proposent des nouveaux formats de rencontres où le critique et le producteur prennent la parole autour d’une verticale de dix millésimes. Le critique n’hésite pas à parler de sa préférence pour un millésime moins côté sur le marché, ce qui provoque la colère noire d’un négociant.


Expert du marketing et de la relation client, Fabrice Léger a débuté son parcours initiatique dans le vin à partir de 1995.


Vignoble excentré et magie des mots

S’il ne devait évoquer qu’un seul vin pour définir la notion d’outsider, les deux hommes s’entendraient sur Clos Manou. Jean-Marc Quarin raconte: «Quand je commence à m’y intéresser en 2004, cela ne représente qu’un demi-hectare pour aujourd’hui 35 hectares. J’y ai retrouvé des petits morceaux de sensations que je décèle habituellement dans un grand cru.» Et avec les mots de Fabrice Léger: «Je pars à la rencontre de ces vignes excentrées, arrive dans un cul-de-sac et découvre la magie des mots de Stéphane Dief, qui a créé son vignoble.»

Le public est au rendez-vous des Rencontres Jean-Marc Quarin.

Et du doux anniversaire de mai à venir, on se souviendra que Jean-Marc Quarin sait attirer l’attention sur ce que l’on croit connaître, une Amigne flétrie de la Valaisanne Fabienne Cottagnoud. Mais s’il ne fallait garder qu’un seul souvenir de ces dix ans de Rencontres, on opterait pour ce généreux verre de Château Yquem 2001, sauvé de son destin de ­vin craché dans un sceau et dégusté avec un bon livre au soleil. Yquem revient pour une verticale en 2025.


Depuis 1998, Jean-Marc Quarin a rédigé plus de 30 000 commentaires sur les vins de Bordeaux, la région où il vit.


(Alexandre Caldara)


Davantage d’informations:

lesrencontresquarin.com