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Dans les casseroles de la Fondation Mater

Genève a sa version locale des Réfectoires de Massimo Bottura. Autour de Walter el Nagar, une vingtaine de chefs et une armada de bénévoles mitonnent des repas sains, locaux, bios et délicieux pour les démunis.

Walter el Nagar et son équipe ont concocté un grand repas de Noël le samedi 19 décembre.(DR)

Derrière la façade austère aux colonnes vaguement néo-classiques et au blason rouge feu de l’Armée du Salut, au-delà de la grande salle au plafond haut, une vie vibrante et singulière a pris place depuis plusieurs mois, avec ses piles de cagettes et ses arrivages de légumes frais de la campagne genevoise, ses effluves particulièrement délicieux... A l’arrière de la grande salle, une cuisine tout en longueur et un défilé, peu habituel en ces lieux, de quelques-uns des meilleurs chefs genevois venus seconder Walter el Nagar pour cuisiner au profit des plus démunis.

Milliers de personnes fragilisées

Walter? On a connu le vibrionnant chef milano-genevois aux cuisines de son fameux Cinquième Jour, alternant cuisine d’auteur et solidarité en un même lieu, du côté des Eaux-Vives, trop tôt coupé dans son élan. Aujourd’hui, à quelques centaines de mètres du regretté Cinquième Jour, dans les rues basses, la cuisine plus vaste à l’équipement nettement plus basique a été mise à disposition par l’organisation caritative qui offre aussi des lits à celles et ceux qui en ont le plus besoin.

Plusieurs milliers de personnes fragilisées par la crise, sans emploi et sans ressources, la détresse mise à jour par la pandémie se révèle depuis le printemps dans son ampleur poignante. Dès la première vague, inspiré par les Réfectoires solidaires de Massimo Bottura, Walter a fait appel à ses amis chefs et producteurs, réunissant autour de lui un formidable réseau de talents. Pour concocter plusieurs centaines de portions quotidiennes, distribuées l’essentiel à l’église des Pâquis, se sont relayées des signatures fameuses de la scène gastronomique locale: Tamara Hussian, Laura Vaissade. Julien Schillaci. Benjamin Breton, Laurent Grégoire, Kamperis Konstantinos, Francesca Fucci ou encore Francesco Ibba. En tout une vingtaine de chefs, certains étoilés ou officiant dans des lieux appréciés à l’image des Bains des Pâquis. Le concept? «Offrir des plats cuisinés de qualité, sains, cuisinés avec goût et passion par des chefs reconnus à base d’ingrédients locaux et biologiques», raconte Walter.

Ce matin, on a ainsi vu prendre forme des barquettes recelant du bœuf braisé sauce curry thaï et des pommes de terre écrasées au nori, une salade de betteraves. L’autre jour, c’était un dahl de lentilles corail, patate douce et potimarron accompagné de riz, dont les épices parfumaient tout le hall.

Un réseau de généreux bénévoles

Depuis mai 2020, entre 200 et 400 repas ont été cuisinés chaque jour par ces brigades d’exception, dont une partie dans les locaux de la Maison de l’alimentation du territoire de Genève à la ferme de Budé. L’opération se poursuit – avec plus de 13 000 repas sains et équilibrés distribués à ce jour, pour un prix moyen défiant toute concurrence, soit quelque 3 francs par repas, avec le soutien de l’Armée du Salut, du Bateau Genève et du Jardin de Montbrillant notamment. Désireux de mettre à profit cette période douloureuse, entre inquiétudes et fermetures forcées, les chefs ne sont pas restés seuls, relayés par un réseau non moins généreux de bénévoles du réseau Serve the City et de tous horizons. Sarah vient de terminer ses études de droit et a souhaité s’engager avant la prochaine rentrée; Viviane a terminé l’Ecole Hôtelière cet été, alors que Kevin, récemment rentré de Finlande, était censé repartir pour l’Australie.

«Offrir des plats cuisinés avec passion par des chefs reconnus»


Fitore Pula, ancienne déléguée du CICR passionnée de cuisine, et Jimmy Thiébaud, banquier dans sa vie précédente, désireux de se reconvertir, se sont engagés au sein de la Fondation Mater afin de soutenir, développer et faire connaître le projet, chercher des fonds, rassembler des solidarités. A ce jour, Walter reste toutefois le seul salarié de la Fondation et de l’opération renommée Commissary Kitchen. «Grâce au crowdfunding, aux réseaux sociaux et au bouche-à-oreille, nous avons commencé à récolter de nombreux dons, souvent de petites sommes, de privés ou d’entreprises», explique Jimmy.

Toute contribution bienvenue

Malgré plusieurs demandes, les pouvoirs publics se sont très peu impliqués, le Canton de Genève faisant un unique don de 8000 francs en novembre, après que l’action avait été unanimement saluée par les milieux concernés et les médias. Entre-temps, la Ville a ouvert son propre lieu pour distribuer des repas gratuits, confiant aux cuisines de Migros le soin de les préparer. Aucune initiative ne semble néanmoins superflue, la demande d’aide ayant explosé: une étude de l’Université de Genève indique que des milliers de ménages se voient contraints de réduire drastiquement leurs dépenses alimentaires, alors que l’Hospice général traite des dossiers en hausse de 8% depuis le début de l’année. Les contributions à la Fondation Mater sont ainsi plus que jamais bienvenus.

Des bonnes nouvelles, malgré tout, en cette fin d’année 2020 drôlement pourrie? L’ouverture prochaine du futur resto de Walter el Nagar, du côté de la Servette. Ce cousin des Réfectoires de Massimo Bottura fera en quelque sorte revivre le Cinquième Jour, selon un rythme un peu différent, la plus large part étant dévolue à la solidarité.

(Véronique Zbinden)


Davantage d’informations:

www.materfondazione.com