Mediadaten Données Media Olympiade der Köche

Farewell, Henry Haller, ancien cuisinier de la Maison-Blanche

De Johnson à Reagan, le Suisse a officié sous cinq présidents, un record. D’Altdorf à Washington DC, l’itinéraire d’un chef de légende.

Le chef helvétique Henry Haller a été chef des cuisines de la Maison-Blanche pendant 22 ans. (Unsplash)

Sa longévité à la Maison-Blanche aurait de quoi faire pâlir un certain Donald T. Il y aura côtoyé, dorloté, subi les foudres et les caprices de cinq administrations. Henry Haller, chef des cuisines de la Maison-Blanche durant 22 ans, est décédé le 7 novembre dernier. Sur une photo emblématique, sa haute toque blanche dépasse la batterie de casseroles accrochées à l’arrière de la cuisine résidentielle; l’oeil est vif et malicieux, sous des sourcils broussailleux et interrogateurs. Ailleurs, on le voit posant entre Ronald et Nancy Reagan, ou discutant quelque menu avec cette dernière, entre deux plateaux géants d’aspics et saumons en bellevue. «C’était un bel homme, sportif, à la stature imposante, que les époux Johnson avaient repéré au Sheraton de New York, avant de l’engager pour remplacer le chef français de Kennedy, parti au lendemain de son assassinat », se souvient son ami Gilles Bragard. La longévité du chef né à Altdorf en 1923 est (presque) aussi impressionnante que, sans doute, son album photo et la collection de souvenirs qu’il emporte avec lui.

Membre du Club des Chefs des Chefs

Issu d’une famille de paysans uranais, Henry n’a pas tardé à changer d’univers pour faire irruption dans celui du luxe: apprentissage et premiers jobs de commis puis chef de partie dans des palaces tels le Parkhotel de Davos, le Bellevue Palace à Berne, ou le Grand Hotel Burgenstock, avant de prendre le large direction l’Amérique du Nord. «Venu d’un milieu peu fortuné, son père l’avait incité à suivre cette voie, en lui disant qu’il aurait ainsi toujours à manger et l’occasion de voyager», raconte Gilles Bragard. Le même Gilles Bragard – à l’origine du Club des Chefs des Chefs, volontiers surnommé le «G20 de la gastronomie » – rencontre Henry en 1977: «Il travaillait alors pour Jimmy Carter et passait ses vacances en Suisse, comme chaque année. J’ai réuni une dizaine de cuisiniers de chefs d’Etat chez Paul Bocuse pour un repas mémorable, au cours duquel nous avons créé le Club Chef des Chefs. Henry a été le premier vice-président, alors que le chef de l’Elysée Marcel Le Servot devenait président.»

Röstis et meringues à la Maison-Blanche

Ceux qui l’ont côtoyé évoquent un chef de haut vol, de grande compétence, pour une cuisine décrite comme classique et d’inspiration française, mais ouverte aux parfums d’ailleurs. C’est le cas de Martin Dahinden, ancien ambassadeur suisse aux Etats-Unis, qui lui rendait hommage dans la NZZ. Et de rappeler qu’on doit à Haller d’avoir fait entrer les röstis, les meringues et autres soufflés au gruyère dans l’antre du pouvoir étatsunien; il est aussi l’auteur d’un livre à succès intitulé White House Family Cookbook, publié à l’heure de sa retraite. Haller a aussi été distingué, avec Daniel Humm (le triple étoilé suisse d’Eleven Madison Park) par un Tell Award en 2018, récompense remise par l’ambassade suisse de Washington aux personnalités ayant contribué au rayonnement de la Suisse à l’étranger. Qu’est-ce qui fait le succès et la longévité d’un cuistot capable de survivre à cinq présidents et leurs épouses, de mettre sur pied plus de 250 dîners d’Etat – dont le plus cauchemardesque fut sans doute le banquet pour 1300 personnes censé marquer les Accords de Camp David? «La discrétion», assure Gilles Bragard.

(Véronique Zbinden)


Davantage d’informations

www.whitehousehistory.org