Dans la foulée du semiconfinement, les spécialistes de la livraison de produits locaux à domicile ont vu leurs ventes exploser. Un défi logistique qu’il a fallu gérer sans rogner la qualité.
C’est ce qui s’appelle un baptême du feu. Début mars, Chiara Eckenschwiller rejoint l’équipe de Farmy.ch en qualité de directrice marketing pour la Suisse romande; moins de 15 jours plus tard, le pays se confine et ses habitants (re)découvrent les joies de la livraison à domicile. «Alors que nos ventes avaient progressé de 36 % en janvier et février, elles ont bondi de 230 % de mars à mai, avant que la hausse ne se stabilise à 194 % dès la fin du semi-confinement», explique celle qui reconnaît avoir choisi un moment plutôt «spécial» pour entrer dans la vie active à la suite de ses études.
L’expérience a été d’autant plus intense que Farmy.ch – créé en 2014 à Zurich et implanté depuis 2018 en Suisse romande – a déménagé en mai son centre logistique régional de Prilly à Ecublens (VD). Si les nouveaux locaux, plus spacieux, ont permis de faciliter la gestion des commandes en flux tendu, le transfert a été un véritable défi. Les livraisons ont été suspendues deux jours, le temps de s’acclimater, puis les opérations ont repris. «Grâce à ce nouvel outil, nous allons pouvoir étoffer notre assortiment. L’autre objectif est de pouvoir à terme élargir les zones de livraison gratuite et garantir l’acheminement de toutes les commandes en véhicule électrique», ajoute-t-elle.
De son côté, Paul Charmillot – le fondateur de l’enseigne Magic Tomato dont l’effigie est un superhéros chargé de sauver l’humanité de la malbouffe – a connu lui aussi un afflux de commandes en mars. Du jour au lendemain, ses ventes ont été multipliées par cinq, ce qui l’a contraint à se réorganiser en quelques heures. «Par la force des choses, les particuliers ont davantage cuisiné chez eux. Ils se sont tournés vers nous pour avoir accès à des produits locaux de saison. Pour beaucoup, le semi-confinement a servi de déclencheur », explique l’entrepreneur qui a été l’un des trois lauréats du Prix suisse de l’éthique 2019.
Après le lancement de ses activités en 2016 à Genève avec le concours d’artisans qu’il a démarchés lui-même, Paul Charmillot a ouvert cette année un second «QG» – clin d’oeil aux superhéros – à Lausanne. Ici comme à Genève, il collabore avec une cinquantaine de producteurs locaux, qu’il met en relation directe avec les consommateurs, une manière de «réallouer le chiffre d’affaires dévolu aux courses dans la région ». Quid de ses projets? «Après Lausanne, nous nous implantons cet automne à Berne. C’est l’avantage de notre modèle commercial, aisément transposable.» Parmi les entreprises actives en Suisse romande figure encore VitaVerDura. Lancé en 2011, le pionnier du panier de la ferme livré à domicile a été lui aussi ce printemps fortement sollicité.
«Dès l’annonce des autorités, nous avons été littéralement pris d’assaut. En l’espace de six minutes, nous avons comptabilisé 920 nouvelles inscriptions et le nombre de paniers a été d’un coup multiplié par dix», confie Nicolas Giroud, directeur depuis septembre 2019 de l’enseigne dans laquelle General Media SA, société éditrice du Passeport Gourmand, vient de prendre une participation majoritaire.
Face à l’avalanche de demandes, Nicolas Giroud a adopté un parti pris radical: «Nous avons plafonné le nombre de nouvelles inscriptions pour assurer la qualité et la rapidité du service auprès de nos clients historiques, un geste que ces derniers ont apprécié. » D’ailleurs, ajoute-t-il, certains nouveaux venus ont commandé quelquefois puis abandonné une fois que les commerces ont rouvert. «Ils n’adhéraient pas au concept et l’expérience nous a démontré que les circuits courts s’adressent à une clientèle proche du terroir et montrant de la compréhension vis-à-vis des aléas de la nature.»
(Patrick Claudet)