Mediadaten Données Media Olympiade der Köche

Sacrifier la branche?

A l’heure où tous les établissements de restauration romands ont été contraints de refermer leurs portes, les acteurs de la branche tirent la sonnette d’alarme.

Les établissements de restauration sont fermés jusqu’au 30 novembre au moins dans les cantons romands, ce qui laisse craindre le pire pour le secteur de l’hôtellerie-restauration. (KEYSTONE)

Invité de La Matinale sur La Première en fin de semaine dernière, le ministre de l’économie Guy Parmelin a évoqué la votation populaire du 29 novembre. Mais il a aussi lâché quelques mots au sujet de la crise du coronavirus et ses effets. Les aides pour les cas de rigueur? Elles doivent cibler les entreprises saines et non pas maintenir artificiellement des opérateurs ou des secteurs voués à disparaître. La situation extraordinaire que traverse le monde? En profiter pour «gérer certaines contradictions dans le futur». A savoir: réfléchir à la portée des changements induits par le télétravail, et, s’ils ont pour conséquence de réduire les déplacements et la fréquence à laquelle on va au restaurant, se demander «si l’on doit garder le même cadre». C’est-à-dire, pour reformuler le propos dans le Klartext que le conseiller fédéral UDC apprécie tant, s’il est bien utile de conserver autant d’établissements de restauration en Suisse.

Quelques jours plus tôt, son collègue de parti Ueli Maurer, accessoirement ministre des finances, n’avait pas dit autre chose, ce qui avait provoqué l’ire de Gastrosuisse, qui lui avait reproché son «cynisme» à force de laisser entendre que des mesures d’assainissement étaient inévitables dans l’hôtellerie-restauration. On est certes loin de «l’oreiller de paresse» du printemps dernier, mais la pilule passe mal chez les professionnels. Comme le rappelle Gastrosuisse, nombreux étaient les établissements qui jouissaient d’une situation économique saine avant la crise. A la suite du semi-confinement, la branche s’est par ailleurs vite relevée, faisant preuve d’une résilience remarquable. Aujourd’hui, si personne ne conteste la gravité de la crise sanitaire et la nécessité de protéger la population, les professionnels en attendent davantage des autorités, ce qui explique la démarche commune entreprise par les partenaires sociaux.

Mesures exigées par les partenaires sociaux

La veille de la conférence de presse du Conseil fédéral, ces derniers ont en effet publié une déclaration commune réclamant aux autorités fédérales l’adoption immédiate de mesures de soutien pour la branche. «L’hôtellerie-restauration fait partie, et de loin, des secteurs les plus durement touchés par la pandémie de coronavirus. Cent mille emplois sont directement menacés; deux établissements sur cinq ne pensent pas survivre aux prochains mois si la situation perdure», préviennent les signataires. Parmi eux figurent entre autres l’organisation professionnelle Hotel & Gastro Union, ainsi que Gastrosuisse et Hotelleriesuisse, qui parlent d’une même voix pour défendre une branche qui emploie quelque 260 000 collaborateurs dans tout le pays.

Si les revendications avaient le mérite d’être claires, notamment en ce qui concerne l’indemnité de RHT que les partenaires sociaux aimeraient voir compensée à 100%, elles n’ont été que très partiellement entendues par le Conseil fédéral. Dans le cadre de la loi Covid-19 adoptée en septembre, le gouvernement peut participer pour moitié à des mesures cantonales de soutien aux entreprises particulièrement touchées, et, de l’avis général, le montant de 200 millions de francs qu’il a décidé d’allouer aux aides pour les cas de rigueur est largement insuffisant. Aussitôt l’annonce faite, Gastrosuisse faisait d’ailleurs part de son mécontentement. «Les 200 millions de francs annoncés [...] par la Confédération pour les cas de rigueur ne suffiront jamais», a estimé Casimir Platzer, président de l’organisation faîtière, regrettant que ses nombreuses propositions n’aient pas été écoutées. Sa crainte, et celle de ses partenaires, est de voir à terme la disparition de plusieurs dizaines de milliers d’emplois et celle de nombreuses entreprises selon lui économiquement viables avant la crise.

Des aides jugées insuffisantes

En Suisse romande, la situation est particulièrement tendue depuis l’annonce de la fermeture des établissements de restauration jusqu’au 30 novembre prochain, ce dans l’espoir de ralentir la progression des contaminations alors que les soins intensifs des cantons latins sont saturés. Ce nouveau lockdown explique pourquoi les mesures annoncées en fin de semaine dernière par le Canton de Vaud ont été scrutées attentivement. Là aussi, malgré les bonnes intentions – une enveloppe de 118 millions de francs sera débloquée pour les cas de rigueur –, la déception est grande. Par la voix de son président Gilles Meystre, Gastrovaud a dit sa déception vis-à-vis des moyens mobilisés, et son inquiétude par rapport aux questions qui demeurent. «A qui profiteront exactement [ces] indemnités et à quelle hauteur», demande-t-il dans un communiqué.

Les autres sujets qui fâchent sont le bonus de 10% offert aux employés percevant les indemnités de RHT – un geste certes salué mais jugé insuffisant – et surtout l’invitation faite aux employeurs de combler les 10% restants. «Au vu de la situation financière extrêmement fragile d’une majorité de restaurants, [cette proposition] fait office de véritable provocation», conclut-il.

(Patrick Claudet)