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Vreni Giger, pionnière de la durabilité

Membre de la Société suisse des cuisiniers, la cheffe appenzelloise du Rigiblick cultive ses racines terriennes et sa fidélité à une certaine idée de la simplicité.

«Au Rigiblick, j’ai une vue d’ensemble et je suis celle qui aujourd’hui donne les impulsions, prend les décisions stratégiques,
donne une ligne, une philosophie», explique Vreni Giger au sujet du poste qu’elle occupe depuis 2016. (DR)

Simplicité. C’est sans doute le mot qui revient le plus souvent dans notre conversation. Pas seulement parce qu’à l’heure où je la rencontre dans son domaine de charme dominant la métropole zurichoise, la direction du Rigiblick a décidé de fermer l’établissement gastronomique pour se recentrer sur le côté bistrot. Consciente qu’il faut évoluer avec l’époque, être à son écoute, Vreni Giger n’y est pas opposée. Entre-temps, la pandémie est passée par là, fouettant au passage toute la branche de l’accueil et de la restauration.

Les leçons de la pandémie

«Le bistrot avec sa terrasse est aussi un très bel endroit», note Vreni. Ainsi, le premier étage du palace au charme bucolique est désormais dévolu aux événements privés, réunions professionnelles, festives ou familiales; il est peuplé de quelques-unes des étonnantes sculptures féminines qu’a réalisées la cheffe elle-même, inspirées de Moore notamment, aux formes généreuses et déliées.

Simplicité? Le mot prend tout son sens à l’heure de déguster sur la terrasse somptueuse et noyée dans une cascade de verdure l’oignon farci qu’elle a si souvent mis en vedette, juste confit au sel, avec son cœur moelleux, dans le rôle de l’amuse-bouche: «Ce n’est pas un morceau noble, pas même un légume, un modeste petit condiment à dix centimes, rehaussé d’un soupçon de lard et de crème, mais il est emblématique de ma cuisine», relève-t-elle en substance dans son livre de recettes, tandis que la même simplicité est à l’œuvre dans le tout nouveau food truck inauguré pendant le confinement. 

«La pandémie nous a tous fait réfléchir. Voici quelques années, la gastronomie, le fine dining, se posait encore en évidence. Aujourd’hui, la donne a changé, seule reste l’exigence de qualité. J’adore l’idée d’avoir des nappes et des tables fleuries, un beau décor, mais je suis aussi très heureuse avec ce food truck garé à l’ombre des marronniers géants.»

La cuisine en toute logique

Quand elle arrive, avec ses baskets roses, son petit cardigan du même rose et sa coupe blonde hyper courte égayée par des barrettes évoquant la cour de récré, on achève le tour des lieux, avec l’esplanade sans fin, les jeux et les cris d’enfants, la colline qui se déroule jusqu’au lac, traversée par le funiculaire proche.

«La pandémie de coronavirus nous a tous fait réfléchir»


La simplicité est ainsi, sans doute, le maître mot de la quadra, mais ce qu’elle omet d’évoquer, par modestie, par humilité, c’est qu’elle fut aussi une véritable pionnière du bio, du local, du durable et de l’idée de nose to tail. Autant de notions avec lesquelles Vreni a grandi, dans une ferme appenzelloise à l’ancienne, avec des vaches laitières, des cultures et un potager extraordinaire destiné à la consommation familiale. Quelques cochons et poulets aussi, à une époque où l’abattage à la ferme se pratiquait assez systématiquement, impliquant une ­utilisation rationnelle de l’ensemble des ressources.

Avec trois frères aînés, il est tout aussi «naturel», raconte-t-elle, que la petite dernière se retrouve en cuisine pour donner un coup de main, voire préparer les repas pour tout le monde, en l’absence de sa maman, éducatrice  – alors que les garçons aident à l’extérieur.

La cuisine s’offre comme une voie logique: «Je n’ai jamais fonctionné en pensant que j’étais une femme, j’ai juste fait ce que je voulais en me donnant les moyens d’y arriver. Et mes parents considéraient que c’était une bonne chose pour une future mère de famille.» Ce que Vreni voulait? Faire de la cuisine une fête, comme elle-même l’a éprouvé petite: «Un repas est une fête, une manière de célébrer les bonnes choses de la vie, de valoriser des produits simples mais excellents.»

Sur les questions de parité, Vreni aurait sans doute beaucoup à raconter. Pour avoir connu des brigades 100 % masculines hurlantes, avec un langage dur et grossier, elle sait que la mixité est une bonne solution. Son équipe le sait, elle ne tolère aucun écart de langage ni attitude sexiste. Elle-même en tant que jeune femme s’est toujours dit: «Fonce, vas-y, sans s’arrêter à la question du genre.»

(Véronique Zbinden)


Bio express

Après son apprentissage dans une auberge de village, à Teufen (AR), Vreni est passée par quelques établissements prestigieux, notamment chez Roland Jöhri, dans les ­Grisons, et auprès de Thuri Maag,  à Lömmenschwil. Mais c’est bien sûr l’aventure saint-galloise du Jägerhof qu’on retient généralement à son propos, 20 ans d’une belle cuisine de terroir et de saisons, d’ingrédients bios et locaux qui l’ont mise en lumière et lui ont valu les louanges des critiques et de la clientèle. «J’ai eu tout ce que je voulais au cours de ces années, j’ai pu m’exprimer, j’ai obtenu une étoile Michelin et 17 points au Gault & Millau, un titre de Cuisinière de l’année. Quand est arrivée l’offre du Rigiblick, en 2016, j’avais fait le tour», explique Vreni Giger.


Davantage d’informations:

www.restaurantrigiblick.ch/fr